Femi et Made Kuti : Les liens du son
Sortant chacun un album au même moment, Femi Kuti et son fils Made perpétuent avec éclat l’héritage de Fela, inventeur de l’afrobeat.
dans l’hebdo N° 1642 Acheter ce numéro
Activiste stakhanoviste et jusqu’au-boutiste, en lutte inlassable contre la dictature, la corruption et l’injustice, Fela Kuti – plus simplement appelé Fela – s’est opposé durant trente ans aux différents pouvoirs en place au Nigeria, son pays natal, avec la musique comme arme de conviction massive. Pour propager sa sève contestataire, il a même inventé son propre style, l’afrobeat, un mélange explosif de sonorités africaines, de jazz et de funk jaillissant via d’incantatoires morceaux fleuves (souvent plus de quinze minutes). Mort en 1997, à l’âge de 58 ans, il laisse derrière lui une discographie pléthorique, chargée d’une force de soulèvement unique.
L’énergie vitale et l’esprit libertaire de Fela lui survivent aussi à travers sa descendance, à commencer par son fils aîné, Femi Kuti. Ayant entamé son parcours musical à la fin des années 1970 dans le groupe de Fela, Femi – saxophoniste et chanteur, comme son père – s’est lancé en solo à partir de 1989 et s’est affirmé comme le nouveau porte-flambeau de l’afrobeat. Intitulé Stop The Hate, son nouvel album délivre dix fervents morceaux de facture classique, alliant paroles virulentes et musiques rutilantes, à la dynamique -rythmique -difficilement résistible. Se détachent en particulier les très vigoureux « Land Grab » et « You Can’t Fight Corruption with Corruption ».
Paru simultanément, début février, vient par ailleurs de sortir For(e)ward, premier album de Made Kuti, fils de Femi – et par conséquent petit-fils de Fela. Les deux albums sont disponibles séparément ou réunis en un double CD/vinyle sous le titre Legacy +. Ayant effectué des études de musique à Londres, puis rejoint les rangs de Positive Force (le groupe de son père), Made – qui joue aussi sur Stop The Hate – signe à présent un superbe démarrage solo avec For(e)ward. Il assure lui-même toutes les parties instrumentales de l’album, saxophone et basse étant ses deux instruments fétiches, et chante également. Plus audacieux sur le plan musical, davantage en phase avec le son d’aujourd’hui, le contenu s’avère particulièrement grisant et plus que prometteur.
« Cette expérience est l’une des plus fortes et enrichissantes que j’ai connues jusqu’ici, à la fois musicalement et philosophiquement, déclare Made Kuti à propos de l’ensemble du projet Legacy +. Je sais que ce n’est que le début d’une nouvelle aventure commune. » On a déjà hâte d’entendre la suite.
Stop The Hate, Femi Kuti, For(e)ward, Made Kuti, Partisan Records.