Poésie déconfinée

La nouvelle livraison de la revue annuelle TXT voyage en souriant dans la langue.

Christophe Kantcheff  • 10 février 2021 abonnés
Poésie déconfinée
Les cartes géographiques imaginaires d’Ettore Labbate.
© DR

Deux numéros après son retour aux affaires, la revue annuelle TXT persiste et élargit ses signatures. Fondée dans les « années 1968 » – la revue a paru dans un premier temps de 1969 à 1993 –, elle reste fidèle à son esprit initial. Non pas avant-gardiste, puisque le mot a perdu de son sens, mais volontiers frondeuse, TXT promeut une poésie débarrassée des atours naïfs et kitsch qui trop souvent lui sont adjoints. La langue ici n’est pas esthétisée, chantonnée ou émasculée ; elle est mise sous tension, torréfiée, recréée.

Exemple : « C’est une histoire de femmes. Les femmes amoureuses ovulent en forme d’ampoules. Les femmes en se frottant partagent leurs microbiotes. Coordination des flores ça pullule et co-varie ». Signé : Marine Forestier, directrice de la revue de poésie et d’écoféminisme Mamma Rassise, l’une des plus jeunes plumes qui composent cette 34e livraison, dont le thème est le voyage.

L’un des paris de TXT lors de sa reparution en 2018 était de renouveler ses contributeurs. Pari en voie d’être remporté, non seulement avec l’apparition de nouvelles générations de poètes (et d’artistes, comme Ettore Labbate), mais aussi avec des traductions d’auteurs étrangers. C’est le cas notamment d’Egor Zaytsev, dont les poèmes, (brillamment) traduits pour l’occasion par Katia Belavina et Catherine Silvanovitch, opèrent des translations sur les mots tout à fait saisissantes. On apprend en outre qu’en 2014-2015 Egor Zaytsev, âgé aujourd’hui de seulement 25 ans, « a organisé le projet “La bataille des vers”, lectures publiques ouvertes à tous les intervenants désireux de se produire sur l’Arbat (centre historique) à Moscou, souvent dispersées par les forces de l’ordre ».

Également au programme : un texte inédit du grand Raymond Federman (1928-2009), l’auteur de La Fourrure de ma tante Rachel, qui triture le verbe comme Pierre Guyotat l’a fait dans –Progénitures. On retrouve dans ce numéro les signatures maintenant habituelles de Typhaine Garnier et Bruno Fern, ainsi que celles « historiques » de Christian Prigent, Philippe Boutibonnes et Onuma Nemon.

Originalité de cette livraison joliment éditée : des pages rouges de jeux humoristiques rythment l’ensemble, où l’on peut lire par exemple sous le titre « TXT s’engage à réduire son empreinte carbone »: « Afin de réduire sensiblement sa consommation de papier, la revue s’engage à raccourcir les textes qu’elle publie en les coupant avant la fin. 19 % de papier ont ainsi pu être économisés dans la seule préparation de ce numéro. Quand TXT publie au coupe-coupe, c’est bon pour la planète. » Une bonne idée, n’est-ce pas ?

Littérature
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