La guerre d’Espagne, toujours recommencée
Anne Mathieu revient sur la tragédie espagnole, puisant ses sources dans une presse alors florissante.
dans l’hebdo N° 1646 Acheter ce numéro
Que ne savait-on pas déjà sur la guerre civile espagnole ? Ce ne sont pas les ouvrages qui manquent, ni l’iconographie, les expositions photographiques (et pas seulement celles de Robert Capa, si l’on songe à la valise mexicaine – « la maleta mexicana » –, rassemblant 4 500 négatifs sur le sujet, ou encore au travail documentaire d’Agusti Centelles). Et pourtant. C’est une vaste fresque que propose ici Anne Mathieu, maîtresse de conférences à l’université de Lorraine, un épais pavé sur la guerre d’Espagne, étirant son étude sur un long terme, démarrant à l’orée des années 1930, au moment des élections municipales espagnoles.
Une fresque riche d’images, de titres de presse, de unes de journaux (Regards, Commune, L’Humanité, Messidor, La Flèche, Ce Soir, Le Combat syndicaliste, Le Populaire, ou encore Vendredi, entre autres), d’extraits d’articles, d’anecdotes, de détails, de politiques politiciennes – de dissensions en oppositions au sein même de la gauche –, d’informations, de portraits, de trajectoires. Revenant d’abord aux origines. En avril 1931, l’avènement de la République met à la porte le roi Alphonse XIII. Et plonge l’Espagne dans l’affrontement entre les forces de gauche et un fascisme incarné par les phalangistes. En 1934, le général Franco réprime les soulèvements populaires dans les Asturies. On peut appeler ça une répétition générale. La victoire du Front populaire en février 1936 précipite les tensions. Les garnisons espagnoles au Maroc, élevées contre la République, sont relayées par les militaires. Le petit peuple prend les armes. La guerre civile a commencé. Dans une Europe en proie aux dictatures, les antifascistes rejoignent les milices des syndicats et des partis. Avec enthousiasme et convictions. Les factieux obtiennent l’aide militaire de Mussolini et d’Hitler. Le conflit se fait international.
Ces années espagnoles ont été très couvertes par la presse, riches en ressorts narratifs essentiels, donnant au reportage, aux éditoriaux et au photojournalisme leurs heures de gloire. Robert Capa donc, livrant pour l’occasion l’image la plus connue, depuis le front andalou, synecdoque de la guerre civile espagnole – voire de toutes les guerres, quand bien même l’image a été remontée, élaborée. Mais encore David Seymour, Hans Namuth, Georg Reisner, Walter Reuter, ou Gerda Taro, à qui Anne Mathieu consacre un volet… Soit une « brigade de photographes », selon l’expression de Cornell Capa (frère de), et nombre de journalistes de la presse écrite relayant, de Simone Téry à Joseph Kessel, de Pierre Besnard à Andrée Viollis, de Renée Lafont à Jean Lurçat (liste non exhaustive). Avec un point de vue. C’est tout l’objet et l’intérêt de cet essai époustouflant.
Nous n’oublierons pas les poings levés Anne Mathieu, Syllepse, 696 pages, 30 euros