Drogues : Macron nous enfume
Son arsenal répressif n’a rien de « dissuasif », mais empêche surtout toute politique efficiente du point de vue sanitaire et préventif.
dans l’hebdo N° 1650 Acheter ce numéro
Davantage « de bleu sur le terrain », ce que « chaque Français » pourra constater dès les prochains mois ! À un an de la présidentielle, Emmanuel Macron, dans un entretien au Figaro, puis lors d’un déplacement à Montpellier, a donc voulu montrer sa volonté de lutter contre la délinquance, et d’abord contre le trafic de drogues. Sur ce sujet, il proclame ce « résultat » – assez hypothétique – d’« un point de deal fermé par jour », sur environ 4.000, selon la place Beauvau… Mais devant les caméras, il s’est ensuite fait copieusement huer dans le « quartier sensible » de la Mosson, où « un point de deal » aurait été « nettoyé » le mois dernier.
La lutte contre « la » drogue est un thème qui permet d’endosser aisément l’habit du défenseur de l’ordre ; même si cette « mère de toutes les batailles », comme il la qualifie, est perdue d’avance… Toutes les tentatives de prohibition de produits liés à des conduites addictives se sont toujours conclues par un échec cuisant, à l’instar de celle décrétée aux États-Unis en 1919 contre l’alcool. La question, en partie sanitaire, ne se gère pas ainsi. Pis, la seule répression a des conséquences sécuritaires bien plus délétères que ses objectifs recherchés. Même les États-Unis, qui par la voix de Nixon avaient lancé en 1970 la fameuse « guerre à la drogue », en sont aujourd’hui revenus ; près de la moitié des États y ont dépénalisé le cannabis, comme au Canada voisin.
Or, n’en déplaise au locataire de l’Élysée, les « réflexes » répressifs de l’opinion publique évoluent en la matière. L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies évaluent à plus de 900.000 les consommateurs « quotidiens » du seul cannabis, et plus de huit millions de « réguliers » ou « occasionnels ». Soit près de 20 % du corps électoral… Emmanuel Macron affirme enfin que les nouvelles amendes « forfaitaires délictuelles » pour simple usage, dont 70 000 ont déjà été infligées depuis septembre, sauront dissuader les consommateurs. Mais, avec près d’un million d’usagers quasi quotidiens, le nombre d’amendes devrait dépasser les trois millions par an !
La France qui n’a cessé, d’année en année, d’alourdir les peines de sa loi de prohibition votée en 1970, est l’un des pays occidentaux les plus répressifs, pour compter… le plus grand nombre de consommateurs ! Son système n’a donc rien de « dissuasif ». Mais empêche surtout toute politique efficiente du point de vue sanitaire et préventif. On se demande donc bien à quoi servira de « lancer un grand débat national sur la consommation de drogues », comme le Président s’est plu à l’annoncer dans Le Figaro, si la politique en la matière est de toute façon déjà fixée.
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