Macron « assume », les migrants paient
Le contrôle de l’immigration irrégulière, voulu par Emmanuel Macron, n’engendre pas pour autant un meilleur accueil des étrangers en situation régulière.
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Emmanuel Macron « assume ». Dans un long entretien accordé au Figaro (19 avril) sur les questions sécuritaires, le président de la République « assume » d’avoir « fait beaucoup pour contrôler l’immigration irrégulière ». Les chiffres du dernier bilan de la police aux frontières (PAF) pour les mois de novembre à mars, opportunément communiqué dans la même édition du quotidien de droite, attestent en effet un verrouillage, renforcé depuis la sanglante attaque au couteau à la basilique de Nice, de nos frontières avec l’Espagne et l’Italie. À la première, 12 288 personnes contrôlées en situation irrégulière ont été refoulées avant d’entrer sur le territoire, soit une augmentation de 203 % par rapport à la même période de l’année précédente, selon ce document qui comptabilise également 3 469 clandestins interceptés dans les départements limitrophes, un chiffre en hausse de 25 %. À la seconde, l’entrée en France a été refusée à 23 537 personnes (+143 %) et 2 502 migrants ont été interpellés (+39 %).
Ce que cette comptabilité ne dit pas, ce sont les drames que cette politique provoque quotidiennement. Dans nos montagnes, quand gendarmes et policiers, aidés des militaires de Sentinelle, traquent et poursuivent des hommes et des familles au risque de les mettre en danger, quand le seul tort de ces réfugiés est de fuir des guerres ou la misère. Ailleurs dans le pays, à Calais ou en région parisienne notamment, ce sont des camps de réfugiés démantelés sans ménagement par les forces de l’ordre, les tentes des migrants disloquées ou brisées, régulièrement confisquées puis détruites avec couvertures et sacs de couchage. Même quand les températures sont négatives, les mises à l’abri sont rares. Ce sont aussi les tracasseries imposées aux associations qui leur viennent en aide, quand elles ne sont pas tout bonnement empêchées de leur fournir des repas.
Voilà ce qu’Emmanuel Macron « assume » donc. « Contrôler [nos] frontières », « reconduire ceux qui sont présents illégalement sur notre sol », justifie-t-il dans son entretien au Figaro, « c’est la condition pour pouvoir intégrer correctement par la langue, le travail, la culture, toutes celles et ceux qui, obtenant l’asile, ont un avenir en France ». Si seulement… Car la réalité n’a pas les couleurs chatoyantes avec lesquelles le Président voudrait nous la peindre. L’Insee révélait récemment que les personnes nées à l’étranger ont connu en 2020, pendant la première vague de la pandémie de Covid-19, une surmortalité deux fois plus élevée que celles nées en France, accentuée par une très forte hausse des décès chez celles originaires d’Afrique. Dans le détail, ces chiffres révèlent d’insupportables inégalités dans l’exposition au virus comme dans l’accès aux soins.
« Accueillir moins peut-être, mais pour accueillir mieux », dit-il. Ce n’est pas non plus ce que vivent les étrangers en situation régulière depuis que les préfectures leur imposent la dématérialisation des demandes de titre de séjour. Loin d’être un « mieux », cette déshumanisation dégrade un peu plus les conditions d’accueil.
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