À Paris, les agents refusent l’augmentation de leur temps de travail

L’application par la mairie de Paris de la réforme de transformation de la fonction publique leur ferait perdre huit jours de congés par an. Les éboueurs et les égoutiers ne veulent pas en entendre parler.

Sarah Dumeau  • 27 mai 2021
Partager :
À Paris, les agents refusent l’augmentation de leur temps de travail
© Photos : Koupaïa Rault

H idalgo, pas une minute de plus ! Hidalgo, pas un congé de moins ! » Environ 800 agents de la Ville de Paris scandaient ce slogan face à la mairie du 13ème arrondissement, ce jeudi 27 mai. Deux jours après l’occupation de l’Hôtel de ville, ils sont venus protester contre l’application de la réforme de transformation de la fonction publique, une loi de 2019, qui doit entrer en vigueur en janvier 2022. Toute la fonction publique territoriale est concernée : éboueurs, égoutiers, bibliothécaires ou policiers municipaux. La réforme prévoit de mettre fin aux dérogations des agents, qui effectuent aujourd’hui entre 32 et 33 heures par semaine. Le passage aux 35 heures est inacceptable pour Guillaume, qui travaille comme égoutier : « Vous travaillez dans la merde mais à côté de ça on nous enlève le simple principe de précaution : le fait de travailler moins pour être moins exposé. »

© Politis

Pourtant, son travail est d’intérêt général. « Pour être égoutier, il faut avoir l’envie, raconte l’agent qui est venu manifester en tenue, avec un casque orné d’une lampe frontale. N’importe qui ne pourrait pas le faire : je donne deux jours à une personne, les pieds dans la merde, en contact des rats, des cafards, des blattes. »

Un mépris pour leurs conditions de travail

Au-delà du fait de devoir travailler plus pour un salaire équivalant, les agents regrettent le mépris des élus pour leurs métiers difficiles. « On vit entre 7 et 10 ans de moins que la moyenne des ouvriers de France », assure un éboueur de 36 ans, qui travaille dans le 6ème arrondissement parisien. Une différence qu’il explique par le travail en extérieur : « On est tout le temps dehors qu’il pleuve, qu’il neige. D’ailleurs c’est très accidentogène, on est un des métiers les plus accidentogènes de France. » En effet, c’est le deuxième secteur le plus touché par les accidents du travail, selon une étude de l’INSEE de 2010. Les éboueurs sont aussi particulièrement affectés par les maladies chroniques : « Ça fait cinq ans que je suis là, j’ai une tendinite chronique et j’ai eu un lumbago », précise l’agent.

« Mme la Maire veut tout unifier dans une logique budgétaire »

Avec l’application de la réforme, leur temps de travail devrait passer de 1.552 heures à 1.607 heures. Concrètement, cela représente huit jours de congés en moins. Mardi 25 mai, à la suite de l’occupation de l’Hôtel de Ville par les égoutiers et éboueurs, les représentants syndicaux ont été reçus par Antoine Guillou, adjoint à la Mairie de Paris, en charge des ressources humaines. Mais les discussions n’avancent pas, d’où cette nouvelle manifestation, qui fait écho à celles organisées la semaine dernière.

Cette bataille n’est pas nouvelle. Il y a quatre ans, la chambre régionale des comptes avait adressé un « rappel du droit » à la Ville de Paris, lui enjoignant de faire respecter les 1.607 heures de travail annuelles des agents. « Mme la Maire veut tout unifier dans une logique budgétaire », assure Bertrand Vincent, représentant syndical Force Ouvrière. La chambre régionale des comptes estime en effet que les 1.552 heures des agents parisiens représentent un coût de 74 millions d’euros par an pour la collectivité.

De son côté, la mairie de Paris assure « désapprouver les objectifs (de la loi)_, en n’ayant malheureusement pas d’autre choix que de la mettre en œuvre »_ et étudier des pistes pour « adapter l’impact de la loi à la situation particulière des agents du service public parisien ».

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« Aujourd’hui, le nouveau front, c’est d’aller faire communauté dans les territoires RN »
Entretien 22 novembre 2024 abonné·es

« Aujourd’hui, le nouveau front, c’est d’aller faire communauté dans les territoires RN »

Auteur de La Colère des quartiers populaires, le directeur de recherches au CNRS, Julien Talpin, revient sur la manière dont les habitants des quartiers populaires, et notamment de Roubaix, s’organisent, s’allient ou se confrontent à la gauche.
Par Hugo Boursier
Les personnes LGBT+, premières victimes de violences sexuelles
Étude 21 novembre 2024 abonné·es

Les personnes LGBT+, premières victimes de violences sexuelles

Une enquête de l’Inserm montre que de plus en plus de personnes s’éloignent de la norme hétérosexuelle, mais que les personnes LGBT+ sont surexposées aux violences sexuelles et que la transidentité est mal acceptée socialement.
Par Thomas Lefèvre
La santé, c’est (avant tout) celle des hommes !
Santé 21 novembre 2024 abonné·es

La santé, c’est (avant tout) celle des hommes !

Les stéréotypes sexistes, encore profondément ancrés dans la recherche et la pratique médicales, entraînent de mauvaises prises en charge et des retards de diagnostic. Les spécificités féminines sont trop souvent ignorées dans les essais cliniques, et les symptômes douloureux banalisés.
Par Thomas Lefèvre
La Confédération paysanne, au four et au moulin
Syndicat 19 novembre 2024 abonné·es

La Confédération paysanne, au four et au moulin

L’appel à la mobilisation nationale du 18 novembre lancé par la FNSEA contre le traité UE/Mercosur laisse l’impression d’une unité syndicale, qui n’est que de façade. La Confédération paysanne tente de tirer son épingle du jeu, par ses positionnements et ses actions.
Par Vanina Delmas