Aux jardins d’Aubervilliers, l’occupation est déclarée
Les militant·es des jardins ouvriers d’Aubervilliers, menacés par les Jeux Olympiques 2024, passent à la vitesse supérieure et font naître une nouvelle Zad en Île-de-France.
O n nous a déposé 35 couettes ! » « 3 kilos de riz c’est suffisant si on est une trentaine ? » « Je ne pense pas que la police puisse arriver dès le soir-même si on l’annonce dimanche…» Le petit monde des jardins ouvriers d’Aubervilliers s’active depuis quelques jours.
L’îlot de verdure s’étend en bas des tours, à quelques pas de la route. Aménagés au XIXe siècle, en pleine révolution industrielle, pour permettre aux familles les plus précaires de se nourrir, ces jardins font maintenant pleinement partie du patrimoine local. Ils abritent de nombreuses espèces protégées et sont de ces rares espaces agricoles encore cultivables par les habitant‧es de la Seine-Saint-Denis.
Pourtant, d’ici 2024, 4.000 m² de ces terres potagères seront ensevelies sous le béton d’un solarium minéral, extension d’une piscine olympique. Et à terme, plus d’un hectare est menacé par la future gare de la ligne 15 du Grand Paris Express, un complexe hôtelier et le projet d’éco-quartier dans le fort d’Aubervilliers.
Pendant des semaines se sont enchaînées manifestations, actions symboliques et campagnes d’informations. À l’arrivée des premiers bulldozers, la découverte d’amiante dans les toits de cabanes avait accordé un délai d’un mois, mais la reprise des travaux approche et les jardins sont plus que jamais menacés. Alors, dimanche 23 mai, au terme d’une journée d’ateliers et de discussions, l’occupation est déclarée.
Convergence pour une écologie populaire
Une vingtaine de parcelles sont en passe d’être détruites et malheureusement « la plupart des jardiniers sont résignés, ils sont persuadés que c’est trop tard », glisse Corentin, un albertivillarien engagé dans le collectif de défense des jardins.
Pour faire vivre la JAD – Jardins À Défendre – et soutenir celles et ceux qui y croient encore, se croisent de nombreux collectifs, réunis sous la bannière Saccage 2024. Dimanche, installés sur les bottes de paille et palettes dispersées, les militant·es et soutiens se sont réuni‧es pour assister à une grande assemblée générale.
Pour l’occasion, ont convergé des voisin·es, des ex-zadistes des terres de Gonesse, des jeunes de Youth For Climate, des agent·es aux espaces verts et éboueur·euses de la ville de Paris en grève ou encore des membres de la Quadrature du Net. Tous et toutes sont venus protéger le terrain et réfléchir aux enjeux sociaux et environnementaux qui structurent l’opposition aux Jeux Olympiques 2024.
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Derrière la vitrine des Jeux
En 2016, la WWF s’engage dans un partenariat censé accompagner les « premiers Jeux alignés avec les objectifs de l’Accord de Paris ». De nombreux engagements sont pris pour préserver la Seine-Saint-Denis, où la question de la mixité sociale est centrale : pourcentage de logements sociaux obligatoires, réhabilitation des complexes en éco-quartiers…
Pourtant, dans les différentes zones concernées, comme le quartier Pleyel à Saint-Denis où s’installera le village des athlètes, la réalité des travaux n’augure rien de bon et les habitant·es n’ont aucune garantie face à une gentrification future.
Dans le département le plus pauvre de France, qui aura véritablement accès au solarium, une fois la quinzaine olympique terminée ? Les conditions de vie des locaux seront-elles réellement améliorées par ces grands aménagements ? À Aubervilliers, la ville ne compte déjà qu’1,42 m² d’espaces verts par habitant·e, quand l’OMS en recommande a minima 10 m².
Dans leur communiqué, le collectif est clair sur sa position et déclare à la Solideo, la société de livraison des ouvrages olympiques présidée par Anne Hidalgo, et aux entreprises partenaires que « non, l’écologie populaire et la subsistance des Jardins n’est pas compatible avec votre capitalisme vert ».
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