Comment la finance a volé au secours de l’industrie fossile

À l’occasion des assemblées générales de BNP Paribas et Société Générale, des ONG publient ce mardi un nouveau rapport dénonçant les investissements climaticides de la finance durant la crise sanitaire.

Koupaïa Rault  • 18 mai 2021
Partager :
Comment la finance a volé au secours de l’industrie fossile
© PHOTO : Action contre " la république des pollueurs " au siège de Total, EDF, Société Générale en avril 2019 / Denis Meyer / Hans Lucas via AFP

En 2020, la pandémie a provoqué l’effondrement généralisé de la demande de pétrole. De ce fait, ExxonMobil, Shell, Eni, BP et Repsol perdaient plus de 40 % de leur valeur boursière, Total et Chevron 30 % et Equinor 20 %. Alors, pour sauver l’industrie des énergies fossiles, la finance française a levé d’importants volumes de capitaux : en un an, plus de 100 milliards de dollars ont été accordés aux entreprises actives dans le charbon, le pétrole et le gaz, dont 24 % aux huit grands majors.

En moyenne, les grandes banques françaises – BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et le groupe Banque Populaire Caisse d’Épargne – ont augmenté de 22,5 % leurs financements. Ce soutien risqué mais toujours croissant, prouve une fois de plus l’interdépendance entre la finance et les industries fossiles. Dans le rapport qu’elles publient aujourd’hui, Oxfam et Les Amis de la Terre font le constat d’entreprises « too big to fail » pour les portefeuilles des acteurs financiers.

© Politis

Promesses, promesses

Aujourd’hui, les trois premières places des entreprises françaises les plus polluantes sont attribuées aux groupes bancaires BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole, qui ont chacun une empreinte carbone supérieure au territoire français.

Les ONG dénoncent l’hypocrisie des banques qui promettaient, dans la continuité des Accords de Paris en 2016, des mesures fortes et rapides pour sortir des secteurs du charbon, du pétrole et du gaz. Les stratégies envisagées ne sont que rarement appliquées ou partiellement seulement, toujours bien loin des changements nécessaires. Dans leur rapport, les organisations écologistes avertissent « sans réorientation massive et rapide des flux financiers, les banques françaises resteront alignées avec un scénario de réchauffement de plus de 4 °C d’ici à 2100 ».

© Politis

Pour appuyer le constat d’une inaction climaticide de la part des banques, le groupe Reclaim Finance publie dans le même temps un outil d’évaluation des politiques sectorielles des acteurs financiers français, le Scan de la finance fossile.

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime qu’avec la reprise mondiale des activités économiques, l’année 2021 sera l’une des pires en matière de hausse des émissions de gaz à effet de serre. Pour limiter les conséquences climaticides, les organisations préconisent de nouvelles obligations légales contraignantes « sous peine de sanctions financières », signalant que seule une réglementation ferme de l’État soit en mesure de mettre fin à cette économie mortifère.

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« L’exploitation minière, un modèle est intrinsèquement prédateur et destructeur »
Entretien 8 janvier 2025 abonné·es

« L’exploitation minière, un modèle est intrinsèquement prédateur et destructeur »

Une nouvelle ruée minière a lieu dans le monde, au nom de la transition énergétique. Une fausse solution et des politiques mensongères que décrypte la journaliste et philosophe Celia Izoard.
Par Vanina Delmas
Dans l’Allier, le lithium mine la transition énergétique
Écologie 8 janvier 2025 abonné·es

Dans l’Allier, le lithium mine la transition énergétique

Face à l’objectif d’électrification du parc automobile européen, ce métal mou aiguise l’appétit de plusieurs projets industriels en France. Une course à l’exploitation minière qui semble ignorer les principes de sobriété et de nombreux enjeux écologiques.
Par Tristan Dereuddre
Marine Calmet : « Le mouvement des droits de la nature offre une alternative au capitalisme »
Entretien 11 décembre 2024 libéré

Marine Calmet : « Le mouvement des droits de la nature offre une alternative au capitalisme »

La juriste a une obsession : transformer notre rapport au vivant, et transformer le droit. Dans le livre Décoloniser le droit, elle explique comment le droit français est encore le fruit d’un projet néolibéral et colonial, et dit l’urgence qu’il y a à le bouleverser.
Par Vanina Delmas
Écologie : « En France, nous voyons un réseau d’entraide entre les luttes se former »
Luttes 4 décembre 2024 abonné·es

Écologie : « En France, nous voyons un réseau d’entraide entre les luttes se former »

Le chercheur Gaëtan Renaud a mené pendant huit mois une enquête auprès des collectifs citoyens qui ont bataillé et gagné face à des grands projets imposés et polluants entre 2014 et 2024. Il nous livre un panorama de ces dix années de luttes locales qui ont fait bouger quelques lignes. Entretien.
Par Vanina Delmas