Des zapatistes entament une tournée mondiale pour défendre la vie
C’est une première pour l’EZLN : une délégation de militant·es a quitté le Chiapas pour prendre la mer et porter son message de lutte contre le capitalisme sur les cinq continents.
C’est à grand renfort de célébrations, dans la mystique chère aux zapatistes de l’Ejército zapatista de liberación nacional (EZLN), que sept de ses membres ont embarqué sur un navire, dimanche 2 mai, depuis l’opportunément nommée Île des femmes, à l’extrême Est du Mexique : quatre femmes, deux hommes et une personne transgenre, « l’Escadron 421 », ont pris la mer pour la première étape d’un très long périple planétaire prévu pour débuter en Espagne début juin. Il s’agira de mobiliser, d’abord en Europe, puis sur les autres continents, toutes les forces militantes qui voudront bien soutenir la mission de cette délégation : « Défendre la vie. »
Le message est simple, mais en rien naïf, sous-tendu par les principes fondateurs de l’expérience d’émancipation sociale menée depuis 1994 par l’EZLN avec les populations autochtones du Chiapas mexicain, et considérée comme l’une des plus radicales actuellement en vigueur. Défendre la vie, pour les zapatistes, c’est en premier lieu lutter contre le capitalisme, source commune de la destruction de la nature, de l’oppression des minorités, des inégalités de genre, des racismes, du patriarcat, etc.
À la conquête de Slumil K’ajxemk’op
Féru de symboles et de poésie, l’EZLN, qui projette pour la première fois avec une telle ambition ses militant·es hors du Mexique, a conçu cette mission comme une « conquête inversée », hissée à la hauteur de l’immense bouleversement vécu au 15è siècle par les populations autochtones lors de la Conquista espagnole de la future Amérique. Ce n’est pas par hasard que c’est à Vigo, au Nord de l’Espagne, que le navire zapatiste compte « découvrir » l’Europe. Non plus que d’interpeller la domination hétérosexuelle, par la désignation de Marijose, membre transgenre de l’Escadron 421, pour poser le premier pied sur le sol du continent. Qui, devant les populations natives, le baptisera Slumil K’ajxemk’op, « Terre rebelle » dans sa langue.
Des centaines d’invitations
À condition que les puissantes autorités locales autorisent la mission à débarquer… Cependant, dans ce rapport de force, elle dispose d’ores et déjà d’une très forte onde de sympathie, et d’autant d’appuis potentiels parmi les centaines de groupes qui se sont manifestés, dans une trentaine de pays et territoires du continent, pour accueillir l’Escadron 421. De nombreuses organisations dans le monde ont déjà signé la « Déclaration pour la vie », manifeste de la mission.
Elle sera rejointe (par avion) à l’été prochain par une délégation de plusieurs dizaines de zapatistes, des femmes très majoritairement, qui participeront aux rencontres et activités prévues, que répercutera le journal de bord de la mission. L’un des premiers temps forts pourrait être la contre-célébration, à Madrid le 13 août 2021, des 500 ans de la conquête de Tenochtitlan, la capitale de l’empire aztèque, par l’armée d’Hernán Cortés. Mais il ne s’agira pas de demander « pardon », entérinant un statut de victime face au colonisateur, mais d’affirmer que les peuples autochtones _« n’ont pas été conquis », et qu’ils restent « en résistance et en rébellion ». En France, la radicalité du message zapatiste pourrait notamment s’exprimer lors de rencontres avec des Gilets jaunes et sur des zad.
Pour soutenir cette action, une collecte a été lancée via le site Hello asso
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