« Europe 51 », de Roberto Rossellini : Sainte Bergman

Europe 51, de Roberto Rossellini, est réédité dans sa version intégrale en DVD.

Christophe Kantcheff  • 16 juin 2021 abonnés
« Europe 51 », de Roberto Rossellini : Sainte Bergman
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Deux ans avant de tourner Europe 51, Roberto Rossellini a réalisé Les Onze Fioretti de François d’Assise (1949), où il montrait saint -François et ses compagnons accomplissant le Bien dans la joie, le film emportant son spectateur dans un état de grâce quelles que soient ses propres convictions. L’idée est alors venue au cinéaste de transposer un comportement semblable, fait de sainteté, dans son époque. Il donne le rôle principal, Irene, à Ingrid Bergman, avec laquelle il s’est récemment marié. Il la place dans la grande bourgeoisie, aveugle à la misère des classes populaires et effrayée par le communisme. Mais, à la suite de la mort de son jeune fils, dont elle ne s’occupait guère, Irene est transformée : elle se tourne vers les pauvres, auxquels elle se dévoue.

Le film dévoile ainsi une réalité de l’Italie de l’après-guerre, où le chômage, la prostitution et la criminalité règnent dans les bidonvilles et où le travail en usine est vu par l’héroïne comme un esclavage. Quant à son milieu d’origine, non seulement il la réprouve mais il la tient pour folle (d’autant plus qu’elle est une femme) et la traite comme telle. « Rossellini évoque l’asservissement de la psychiatrie à la morale et à l’ordre social dominants », souligne le spécialiste du cinéma italien Jean A. Gili dans son texte inséré dans le livret qui accompagne le DVD et le Blu-ray.

Europe 51 fait partie des nombreux chefs-d’œuvre réalisés par le maître italien. C’est un film libre, critique envers tous les pouvoirs, y compris l’Église et le Parti communiste. Il montre comment une femme au comportement réellement chrétien, c’est-à-dire d’une profonde humanité, peut s’avérer incomprise et révolutionnaire. Faut-il ajouter qu’Ingrid Bergman, dont on sent l’engagement total dans ce rôle, est absolument bouleversante ?

Europe 51, Roberto Rossellini, Tamasa (1 DVD et Blu-ray).

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes