L’atelier de Mauvignier

Profitons de la sortie en salle (lire Politis n° 1656 du 3 juin) de l’excellente adaptation cinématographique par Lucas Belvaux de Des hommes pour nous arrêter sur le livre d’entretiens que Laurent Mauvignier vient de publier avec Pascaline David. Si le sous-titre des Motifs de Laurent Mauvignier précise qu’il s’agit d’« entretiens sur l’écriture » – précision utile quand la plupart des interviews journalistiques s’en tiennent aux sujets, aux thématiques –, c’est l’écriture dans toutes ses dimensions dont il est question. En particulier celle de la possibilité de son surgissement.

Ainsi, les années de formation sont déterminantes. Pas seulement, pour Laurent Mauvignier, parce qu’il est fils d’ouvriers et que la littérature ne lui était pas a priori offerte (il est clairement un transclasse), ni parce qu’il a vécu des drames familiaux. Mais aussi parce qu’il a dû se défaire de l’influence des écrivains qu’il admirait (François Bon, Thomas Bernhard…), attachement d’autant plus ardent qu’il a accédé seul à la littérature. Ces pages où il relate comment son écriture est advenue sont passionnantes – Pascaline David n’y est pas pour rien grâce à son questionnement précis –, comme l’est l’ensemble du livre, qui revient sur l’œuvre romanesque avant tout, intégralement publiée aux éditions de Minuit (seule une bibliographie manque à cet ouvrage).

S’il n’est pas très enclin à donner des conseils – ce dont il s’explique –, Laurent Mauvignier fait tout de même partager son expérience sur un certain nombre de points, comme la recherche d’un éditeur, mais aussi sur des questions relevant de son art. Ayant retenu, par exemple, les leçons de Claude Simon, il souligne que l’émotion contenue dans un texte ne tient pas à ce que son auteur a vécu. « L’émotion est un effet esthétique », disait l’auteur de La Route des Flandres. Imparable !

Les Motifs de Laurent Mauvignier, entretiens sur l’écriture avec Pascaline David, Diagonale, 177 pages, 18 euros.