Le 12 juin, soleil partout, police nulle part
Tout l’après-midi, les forces de l’ordre se sont tenues à bonne distance du cortège contre l’extrême droite.
dans l’hebdo N° 1658 Acheter ce numéro
C ela faisait longtemps ! » Par cette belle journée ensoleillée, beaucoup de citoyen·nes, en joie, souvent en musique, ont défilé le 12 juin dans quelque 150 villes de France, entre slogans antifascistes et drapeaux de multiples organisations. La remarque sus-citée est de Danièle Obono, ceinte de son écharpe tricolore de députée (insoumise) des quartiers populaires du nord de Paris, qui, croisée en fin de parcours, a ajouté : « On avait presque oublié, après tout ce temps, qu’on pouvait manifester, normalement, en famille et dans le calme : quand les CRS ne sont pas là, au contact, sans “nasser” les gens, tout se passe bien. Sans provocation ni violence… Une évidence démocratique, en somme ! »
Car il est vrai que durant tout l’après-midi, les forces de l’ordre se sont tenues à bonne distance du cortège, des canons à eau jusqu’aux unités de voltigeurs motorisés remises en service récemment sous le nom de BRAV (« Brigades de répression de l’action violente »), qui avaient plutôt jusqu’ici l’habitude de foncer au plus près des défilés, de façon intimidante sinon provocatrice…
Comment expliquer cette ambiance apaisée, tout comme dans la plupart des villes françaises – en dehors de quelques rares incidents à Nantes, où, semble-t-il, le préfet n’avait, lui, pas changé de stratégie de « maintien » de l’ordre ? Sans doute, son collègue parisien Lallement et son supérieur Darmanin avaient-ils pris la mesure de l’enjeu politique de faire charger une manifestation « contre les idées d’extrême droite » ? Peut-être, surtout, que le vent du boulet (judiciaire) avait sifflé jusqu’à leurs frêles (sinon quasi sourdes) oreilles, du fait de l’arrêt du Conseil d’État qui avait, la veille, censuré une bonne part du récent « nouveau schéma de maintien de l’ordre », fierté du ministre de droite ?
La plus haute juridiction administrative a en effet censuré, jeudi 10 juin, sur plusieurs points fondamentaux, ce texte (inique) de la place Beauvau principalement pour… « excès de pouvoir » ! Considérant, en particulier, « illégale » la technique dite de la « nasse » (encercler les manifestants) car « susceptible d’affecter significativement la liberté de manifester, et d’en dissuader l’exercice ». Mais encore, « illégale » l’obligation qui voulait être imposée aux journalistes « d’obéir aux ordres de dispersion » ou, mieux, d’être « accrédités par les autorités » lors de manifestations, mesures « susceptibles de porter atteinte de manière disproportionnée à la liberté de la presse ». En somme, une belle veste pour Darmanin ! Tout comme l’affluence, à travers toute la France, de tou·tes ces citoyen·nes pacifiques mobilisé·es contre les actuels relents nauséabonds du fascisme version 2021.
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