Propagande électorale : Le fiasco prévisible de la sous-traitance
Les insuffisances d’Adrexo, prestataire de la distribution de la propagande électorale, aurait dû alerter le ministère de l’Intérieur.
dans l’hebdo N° 1659 Acheter ce numéro
Le naufrage était annoncé dès la mi-mai par les syndicats d’Adrexo et plusieurs élus d’opposition. La sous-traitance de la distribution de la propagande électorale aura finalement été un des grands fiascos de ce premier tour de scrutin, avec des anomalies remontées par dizaines. Le principal responsable désigné à ce jour est la société Adrexo. Grâce à l’ouverture de ce marché à la concurrence à partir de 2005, et malgré des difficultés financières qui l’empêchaient de payer l’Urssaf et la TVA il y a à peine un an, elle a raflé la moitié du gâteau au 1er janvier aux côtés de La Poste. 22 millions d’électeurs devaient recevoir les documents électoraux acheminés par une partie des 17 300 distributeurs Adrexo et 6 000 intérimaires, sans expérience, engagés dans un modèle d’auto-exploitation qu’Adrexo a imaginé bien avant Uber et Deliveroo. Les distributeurs travaillent avec leur véhicule personnel à un rythme intenable, avec des heures supplémentaires fréquemment oubliées. Un tiers de l’effectif est en cumul emploi et retraite, et le salaire moyen avoisine les 400 euros pour une soixantaine d’heures de travail mensuel, estiment les syndicats. « Grâce à ce boulot, cette main-d’œuvre vieillissante se maintient en forme et économise un abonnement au Gymnase club », osait son PDG, Frédéric Pons, dans une interview à Marianne en 2008.
Voilà le modèle consacré par les procédures de mise en concurrence, lorsqu’elles sont tendues vers les économies budgétaires. La suite de l’histoire reste à éclaircir : une attaque informatique entraînant des trous de 200 à 400 euros sur les payes, à l’origine d’un mouvement de désertion ; de nombreux couacs dans le routage des professions de foi, lui aussi sous-traité ; des listings électoraux hors d’âge… Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a dû reconnaître le fiasco avant même le vote, annonçant le 16 juin vouloir suspendre le contrat, tandis que son administration continuait de juger tout débat sur l’externalisation « anachronique ». Le ministère n’échappera pourtant pas à sa responsabilité de commanditaire. À moins qu’il ne tente d’en profiter pour précipiter la suppression pure et simple de la propagande papier, mainte fois écartée par le Parlement. Adrexo, elle, se tient prête pour une telle opportunité. Elle commercialise déjà un service permettant aux candidats eux-mêmes de faire distribuer leurs tracts dans les boîtes aux lettres. Optez donc pour la « solution Proxivote » !