La vie en l’air : Brenda Clark, comédienne, artiste aérienne
« Le trapèze m’emmène dans des endroits inattendus. »
dans l’hebdo N° 1663-1667 Acheter ce numéro
J’ai commencé par pratiquer le trapèze volant, le ballant et l’élastique, où j’évoluais à 40 mètres du sol. L’aérien m’a tout de suite parlé. C’est une rencontre avec les éléments, un dépassement de soi et aussi un dépassement – inconscient – de la peur de la mort. Puis j’ai découvert le trapèze fixe avec Lili Dehais, il y a vingt ans. Le mouvement sur le trapèze est très circulaire, organique. Tu ne vas nulle part et tu vas partout, dans une suspension permanente. Ça part du souffle, du centre, du ventre, et le reste s’ajuste autour. Paradoxalement, le travail aérien m’a aussi ancrée dans le sol. Un ancrage physique mais aussi métaphysique, émotionnel, qui m’a beaucoup aidée.
Le trapèze m’emmène dans des endroits inattendus. Je suis surprise, parfois, des positions dans lesquelles je me retrouve, de ce que mon corps invente. Il initie le mouvement, puis je construis. Comme dans un rêve guidé. Le trapèze apprend à sentir son poids, à l’éprouver. On cherche la légèreté tout en utilisant sa pesanteur, dans l’ultraconscience et le respect de la gravité, en continu, sous peine de chute.
Cette pratique m’a ouvert un champ infini d’expression. Dès les premières fois, j’ai ressenti une euphorie dans le travail d’improvisation qui va parfois jusqu’à la transe. Pourtant, rien n’est facile, la barre et les cordes font mal aux mains, dans le creux des genoux. Mais on sent qu’on a bravé quelque chose, on se sent en vie. Sont mobilisés toutes les articulations, tous les muscles, les ligaments, les yeux, les sens. Tous les sens.