Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp : OK pour le chaos
À bord du Kittara, au large de Saint-Jean-de-Luz, on capture le poisson avec une ligne et non au filet. Une méthode douce gage de qualité pour le consommateur et créatrice d’emplois.
dans l’hebdo N° 1663-1667 Acheter ce numéro
Éminemment savoureux, le nom d’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp (OTPMD) se réfère à la fois aux grands ensembles africains apparus durant les années 1960-1970 – par exemple l’Orchestre Tout Puissant Likembé Konono n° 1 – et à l’un des artistes les plus iconoclastes du XXe siècle. La jubilation augmente encore à l’écoute de sa musique, hétéroclite et anticonformiste, mixture afro-punk-jazz dadaïste aussi crépitante que revigorante.
Ce groupe hors norme s’est formé sous l’impulsion du musicien franco-suisse Vincent Bertholet, originaire de Chambéry. Après diverses expériences dans la sphère du rock et du punk durant les années 1990, à la guitare puis à la basse, celui-ci change de cap au début des années 2000 en adoptant la contrebasse comme instrument et en s’orientant vers le jazz – tendance free. Venu s’installer à Genève à la même époque, il s’immerge rapidement dans la scène underground locale et prend part à plusieurs projets.
Ayant reçu en novembre 2006 une carte blanche de la Cave12, fameux bastion genevois des musiques improvisées et expérimentales, il saisit l’occasion de réaliser son rêve : monter un ensemble large et très éclectique mêlant de multiples influences. Il s’associe alors à cinq partenaires de jeu, d’horizons variés, dont la violoniste et chanteuse Liz Moscarola. Après un an d’échauffement live, OTPMD publie en décembre 2007 son premier album, OTP, qui déverse une rasade généreuse de musique joyeuse et tumultueuse.
Resté un sextet pendant dix ans (sur les trois premiers albums), le groupe – à géométrie très variable – va accueillir jusqu’à quatorze membres en son sein. Actuellement, il en compte « seulement » douze, Vincent Bertholet et Liz Moscarola étant les deux seuls membres de la formation originelle encore dans l’aventure. Au gré des évolutions, contrebasse(s) et violon(s) y télescopent batterie, guitare(s) électrique(s), trombone(s), percussions ou encore marimba.
« Quand nous étions six, j’apportais des idées de morceaux et nous les affinions ensemble, explique Vincent Bertholet. Depuis que nous sommes plus nombreux, j’écris toutes les parties au préalable – sauf la batterie. Pour le nouvel album, j’ai contrôlé le processus créatif au maximum. Par rapport au précédent album, très étoffé, j’avais envie de revenir à quelque chose d’un peu plus minimal et je tenais vraiment à enregistrer tel quel ce que j’avais composé. »
Conçu entre 2019 et 2020, ce nouvel album (le cinquième) s’intitule We’re OK. But we’re lost anyway. D’une parfaite densité, il contient neuf morceaux superbement profilés, à la fois sophistiqués et spontanés, le tout magnifié par la voix envoûtante de Liz Moscarola. Évoquant une fanfare libertaire embarquée sur un bateau ivre à la recherche d’un eldorado sonore, OTPMD navigue entre post-punk tribal et jazz astral avec un rayonnement maximal. En écho à la sortie de l’album, le groupe donne une quinzaine de concerts en France entre juillet et octobre.
We’re OK. But we’re lost anyway, OTPMD, Bongo Joe/L’Autre Distribution, otpmd.bandcamp.com
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