Festival Mousson d’été : Une abbaye pleine de styles
Avec des auteurs et traducteurs de toutes langues et origines, la Mousson d’été met les textes en espace grâce à une équipe généreuse et passionnée.
dans l’hebdo N° 1668 Acheter ce numéro
Avec sa programmation, l’unité de lieu est l’ingrédient principal d’un festival réussi. C’est ce que comprend le metteur en scène et comédien Michel Didym, alors jeune diplômé de l’école du Théâtre national de Strasbourg, lorsqu’il découvre l’abbaye des Prémontrés, à Pont-à-Mousson, en Meurthe-et-Moselle. Jadis tenue par les jésuites, devenue ensuite université de Lorraine puis centre culturel de rencontres, l’élégante bâtisse de style baroque commence avec lui une nouvelle vie en 1995 : celle de la Mousson d’été. Avec une poignée d’artistes amis, Michel Didym lance ces rendez-vous autour du théâtre contemporain sans moyens ou presque, pour l’amour des écritures d’aujourd’hui. En particulier celles qui ne sont pas encore reconnues, qui peinent à trouver leur place sur les scènes.
Dès la première année, dans une atmosphère que tous les « moussonneux » de la première heure – vingt-six ans après, ils sont encore nombreux à y consacrer leur fin d’été – s’accordent à décrire comme sérieuse et festive à la fois, des auteurs déjà célèbres ou en passe de le devenir font de l’abbaye leur domicile provisoire. L’auteur argentin Armando Llamas, qui ne ratera pas une Mousson jusqu’à sa mort en 2003, est déjà au rendez-vous. Il y croise notamment Noëlle Renaude, Philippe Minyana, Rémi De Vos… À l’heure où se prépare la 26e édition, les souvenirs laissés par ces personnes devenues familières de la scène théâtrale française, voire internationale, et toutes celles qui leur ont succédé sont encore bien présents.
Sélectionnés par un comité de lecture actif toute l’année, seize textes seront présentés aux -Prémontrés sous forme de mises en espace – des lectures améliorées, jouées à l’issue de trois services de répétition seulement. En présence des auteurs et de leurs traducteurs, comédiens et metteurs en scène prennent chacun en charge plusieurs de ces écritures, qui comme à chaque Mousson viennent du monde entier et sont très diverses.
Devant un public composé d’habitants de Pont-à-Mousson et alentour, de professionnels et des stagiaires de l’université d’été européenne qui se tient aux mêmes dates, le festival s’ouvre sur la pièce Nous sommes des guerriers, de Monica Isakstuen. Une autrice norvégienne encore inconnue en France dont l’écriture est, selon sa traductrice Marianne Ségol-Samoy, « très étrange, impalpable, proche sur bien des plans de celle d’Arne Lygre. Son minimalisme, son mystère font aussi penser à Jon Fosse, dont elle assume l’héritage ». Dirigée par Pascal Deux, cette lecture sera diffusée en direct sur France Culture. La Mousson se répand ainsi au-delà de l’abbaye.
Très fragmenté et métaphysique, L’Âge tendre, de -l’Américain George Brant, porté par cinq comédiens, laisse place à une écriture plus classique et ancrée dans la réalité contemporaine. Avec cet auteur déjà réputé sur nos scènes, le comédien Clovis Cornillac et le musicien Vassia Zagar, grands habitués de la Mousson, nous mènent auprès d’un jeune Texan d’origine mexicaine, employé dans un centre de rétention pour migrants clandestins.
Avec le soutien de la Maison Antoine-Vitez, partenaire de longue date du festival, ce texte a été traduit par Dominique Hollier, également membre du comité de lecture et traductrice d’une autre belle découverte, qui nous vient cette fois d’Australie : L’Arbre à sang d’Angus Cerini, célèbre dans son pays mais jusque-là ignoré chez nous. Sur une invitation de Jean-Pierre Ryngaert, directeur pédagogique de l’université d’été, la traductrice partagera en public les passionnantes questions que lui a posées ce texte qui, dit-elle, « à part Shakespeare, est peut-être le plus difficile [qu’elle ait] eu entre les mains ».
De nombreux auteurs français sont aussi mis à l’honneur : Marion Aubert avec Surexpositions (Patrick Dewaere) – joué par les troupes éphémères de comédiens amateurs du bassin mussipontain –, Laurène Marx avec Pour un temps sois peu ou encore Aïko Solovkine avec Mare Nostrum. Grâce à l’énergie et à la générosité des artistes de la Mousson, tous guidés par le goût des écritures nouvelles, on explore avec eux un pan de l’histoire du cinéma français, la question de la transition de genre ou encore des migrations. Une fois encore, la Mousson repousse les murs des Prémontrés.
La Mousson d’été, jusqu’au 29 août, abbaye des Prémontrés, Pont-à-Mousson (54), 03 83 81 20 22, www.meec.org