« Peaux de vaches », de Patricia Mazuy : Énergie tellurique
Peaux de vaches, le premier film de Patricia Mazuy, ressort en salle. Porté par les comédiens, il n’a pas vieilli.
dans l’hebdo N° 1668 Acheter ce numéro
Trente-trois ans plus tard, alors qu’il ressort en version restaurée, le film n’a pas pris une ride : Peaux de vaches est le premier long métrage de Patricia Mazuy, qui a ensuite réalisé Saint-Cyr et Sport de filles notamment. Aujourd’hui, on le regarde d’abord avec un gros pincement au cœur : l’un des rôles principaux est tenu par Jean-François Stévenin, disparu le 27 juillet, acteur vif-argent du cinéma français et cinéaste lui-même. Il y joue Roland, de retour de prison, après dix ans, auprès de son frère Gérard, un agriculteur (Jacques Spiesser). Scène initiale et séminale du film, qui pèsera jusqu’à la fin : les deux hommes, ivres, mettent le feu à la ferme de Gérard, tuant accidentellement un vagabond. Seul Roland s’est accusé. Et c’est ainsi que dix ans plus tard, en 1988, il revient dans une ferme transformée, où Gérard a fondé une famille, s’étant marié avec Annie (Sandrine Bonnaire, rayonnante, qui sortait alors de Sans toit ni loi d’Agnès Varda), avec qui il a une petite fille.
Peaux de vaches ne peut pas vieillir, car il tient tout entier dans son énergie, dans les flux qui circulent entre les comédiens – les trois sont absolument formidables –, et entre les personnages. Il y a quelque chose de cassavetesien ici, les émotions traversant les corps, les regards, les gestes, la caméra passant des uns aux autres, saisissant la moindre inflexion, le moindre désir.
Peaux de vaches renouvelait aussi sacrément le film de paysans, avec cette exploitation moderne, toujours ancrée dans la terre mais gagnée par le béton et le bitume (une route la longe). Ceux qui jugent les films comme des copies relèveront sans doute des défauts ici ou là. Mais aujourd’hui Peaux de vache éclate de vitalité. Il imposait d’emblée Patricia Mazuy parmi les cinéastes de talent !
Peaux de vaches, Patricia Mazuy, 1 h 27.