Financement du terrorisme : revers judiciaire pour Lafarge
La Cour de cassation valide la mise en examen du cimentier pour financement du terrorisme et relance le débat sur la complicité de crimes conte l’humanité. Une décision historique.
C’est une des décisions judiciaire les plus importantes de cette rentrée. La Cour de cassation vient de rendre un arrêt historique relatif aux activités de l’entreprise Lafarge en Syrie jusqu’en 2014. Non seulement la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire a confirmé la mise en examen du cimentier pour « financement du terrorisme », mais elle a renvoyé devant la justice le débat sur les accusations de « complicité de crimes contre l’humanité » en Syrie, annulée en novembre 2019 par la cour d’appel de Paris.
Pour la Cour de cassation, l’infraction de complicité de crimes contre l’humanité est constituée dès lors que l’accusé a « connaissance de ce que les auteurs principaux commettent ou vont commettre un tel crime contre l’humanité et que par son aide ou assistance, il en facilite la préparation ou la consommation ». Ainsi, « dans cette affaire, le versement en connaissance de cause de plusieurs millions de dollars à une organisation dont l’objet est exclusivement criminel suffit à caractériser la complicité », explique la Cour dans un commentaire annexe.
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« La décision prise aujourd’hui par la Cour de Cassation ne présume en aucun cas d’une éventuelle culpabilité de Lafarge SA », se défend le groupe auprès de l’AFP. « Nous avons pris des mesures immédiates et fermes pour nous assurer que des événements similaires ne puissent plus se reproduire », a-t-il assuré.
13 millions d’euros à des groupes terroristes
Dans l’information judiciaire ouverte en juin 2017, Lafarge SA est soupçonné d’avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale Lafarge Cement Syria (LCS), près de 13 millions d’euros à des groupes terroristes, dont l’organisation État islamique (EI), et à des intermédiaires afin de maintenir l’activité d’une cimenterie en Syrie alors que le pays s’enfonçait dans la guerre.
Le groupe avait investi 680 millions d’euros dans la construction de ce site, achevé en 2010.
Lafarge est également suspecté d’avoir vendu du ciment de l’usine à l’EI et d’avoir payé des intermédiaires pour s’approvisionner en matières premières auprès de factions jihadistes.
Un rapport interne commandé par LafargeHolcim, né de la fusion en 2015 du français Lafarge et du suisse Holcim, avait mis en lumière des remises de fonds de LCS à des intermédiaires pour négocier avec des « groupes armés ». Mais Lafarge SA a toujours contesté toute responsabilité dans la destination de ces versements à des organisations terroristes.
« À l’échelon mondial, ces poursuites, qui déboucheront sur un procès de Lafarge et ses dirigeants pour les crimes les plus graves, sont une première et nous rappellent l’impératif absolu que constitue le devoir du législateur de responsabiliser de gré ou de force les plus grandes entreprises de la planète », a réagi Me William Bourdon, fondateur de l’ONG Sherpa, auprès de l’AFP. Cet arrêt fera sans doute jurisprudence.
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