Un odieux bâillonnement
La persécution d’Éric Zemmour, en butte depuis des années à ce qu’il faut bien appeler une « censure », n’a que trop duré.
dans l’hebdo N° 1671 Acheter ce numéro
Je sais que c’est dangereux de l’exprimer publiquement, et qu’on encourt en l’énonçant les foudres de « la maréchaussée de la bien-pensance (1) ». Mais prenons notre courage à deux mains et disons-le tout de même : la persécution d’Éric Zemmour, en butte depuis des années à ce qu’il faut bien appeler – comme lui-même le fait si bien – une « censure » en bonne et due forme, n’a que trop duré.
Il y a onze ans déjà (2), remember : la presse et les médias lui avaient infligé l’avanie de lui offrir des tribunes seulement six jours sur sept – du lundi au vendredi sur RTL, le samedi matin dans Le Figaro magazine, le samedi après-midi sur iTélé, et le samedi soir sur France 2. Et le pauvre Homme (3) s’était à l’époque retrouvé bien seul lorsqu’il avait à si bon droit expliqué, dans l’hebdomadaire Valeurs actuelles, qu’il était la cible (et la victime) d’« une logique d’inquisition revisitée par le totalitarisme soviétique ».
Après cela, comme on sait, l’affreux calvaire a continué, et le gars n’est plus intervenu que tous les jours sur CNews, ou sur Paris Première, ou dans Le Figaro magazine – et partout ailleurs, bien sûr, à chaque fois qu’il publiait un nouveau bouquin pour dire que Pétain, d’accord, mais les femmes, les migrants et les musulmans, merci mais non, ça sera sans moi. C’était l’horreur, quand on y repense, et il lui a sans doute fallu des nerfs d’acier pour endurer si stoïquement ces constantes vexations – mais ce n’était rien encore.
Car il y a quelques mois, Zemmour, découvrant soudain que dix-sept Français·es sur dix souhaitaient lui confier leur destin collectif, a décidé que, quand il serait grand, il serait chef de l’État français.
Et le voilà qui se lance sans jamais dire vraiment qu’il se lance, mais en laissant tout de même son avocat demander mercredi 8 septembre le report au lendemain du second tour de l’élection présidentielle de son énième procès pour provocation à la haine raciale en prétextant que « chacun sait qu’il y a une forte probabilité pour que M. Zemmour soit candidat » à cette « élection » – et en adressant tout de même à de nombreux maires une plaquette sollicitant leur signature (4).
Et là, scandale : le Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui est chargé de veiller au respect du pluralisme, décide que ce gars qui se lance en politique doit être considéré comme un gars qui se lance en politique, et que son temps de parole doit donc être décompté comme celui de n’importe quel·le autre aspirant·e.
Et pis encore, en vingt-quatre heures, trois grands médias seulement – C8, Le Figaro magazine et France 2 – lui ont après cela permis de venir dire partout qu’il était partout censuré : tous les autres se sont contentés de lui consacrer (en tout) quelques dizaines d’articles ou de sujets.
Allons-nous tolérer longtemps cet odieux bâillonnement ?
(1) Cette délicieuse formule est de l’éditorialiste assisté Franz-Olivier Giesbert.
(2) En 2010, donc – si tu veux une calculette, demande : il doit me rester une vieille Texas Instruments TI-30 de l’époque où je suais sang et eau sur des équations à zéro inconnue.
(3) Je l’écris avec une majuscule, parce qu’il aime bien, je crois.
(4) Il en faut 500, comme on sait, pour pouvoir candidater à la présidentielle.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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