Ceux qui agissent pour le climat / La Californie, tête de classe
Ce sont des mouvements citoyens, des collectivités locales, des experts, des gouvernements, des industriels… Leurs réalisations, contributions et engagements les placent en première ligne de la lutte climatique, à la hauteur des objectifs de l’accord de Paris, quand les négociations multilatérales onusiennes n’avancent qu’à petits pas. Et même si ces avancées ne sont pas toutes exemptes de faiblesses et de critiques, elles pèsent à des niveaux suffisamment significatifs pour être encourageantes. Florilège non exhaustif.
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Retrait du protocole de Kyoto, de l’accord de Paris… L’échelon fédéral états-unien, sous présidence de Bush ou de Trump, et même d’Obama (bloqué par le Congrès), a régulièrement déprimé les forces mondiales engagées pour la maîtrise du dérèglement climatique. Qui ont découvert conjointement le pouvoir des autorités locales. Le gouvernorat de Californie, historiquement démocrate, s’est notamment distingué depuis près de deux décennies par une politique climatique très volontariste, « et il a très clairement mené la charge contre l’administration Trump dans ce domaine, souligne Katelyn Roedner Sutter, analyste climat à la puissante ONG états-unienne Environmental Defense Fund. Et depuis quelques années, la Californie a établi des standards de référence en matière d’action publique ».
L’État a adopté de nombreuses mesures législatives et programmes pour intervenir dans tous les domaines : énergie, construction, transports, agriculture, qualité de l’air, etc. Et alors que le territoire californien est chaque année plus douloureusement ravagé par des feux de forêt, son gouverneur a décidé il y a un mois d’une enveloppe de 15 milliards de dollars. Une somme record pour lutter contre la sécheresse et le réchauffement climatique, qui décuplent le risque incendie. L’État est en bonne voie pour atteindre son objectif 2030 d’une réduction de 40 % de ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1990. « L’objectif 2020 a été atteint dès 2016, tout en créant des emplois et des richesses », souligne Katelyn Roedner Sutter, qui identifie la clé de voûte de la politique de la Californie : « Très clairement, c’est son système “cap and trade” [plafonnement et échange] qui contraint légalement toutes les activités économiques à limiter leurs émissions. »
Ce mécanisme, introduit en 2012, consiste à attribuer à tous les acteurs industriels des « crédits » plafonnés d’émissions, dont la somme globale décroît chaque année en accord avec la feuille de route climatique de l’État, « ce qui créé un effet de cliquet très efficace, juge l’analyste. Cependant il pourrait être encore plus ambitieux, et c’est un sujet de lutte pour nous ». Un marché régional de crédits a été établi permettant aux acteurs qui peinent à respecter leur quota d’acheter des crédits auprès de ceux ayant moins émis que leur « autorisation » (1).
« L’autre point fort de la politique californienne, c’est sa préoccupation depuis dix ans pour la justice environnementale, c’est quasiment une marque de fabrique, salue Katelyn Roedner Sutter. _Des actions systématiques ont été entreprises de manière à ce que les conséquences de cette politique climatique ne pèsent pas sur les populations les plus défavorisées, notamment dans les zones non côtières de l’État. À ce titre, des mesures ont été prises pour s’attaquer non seulement au CO__2_ _mais aussi aux polluants de l’air. Là encore, même si ce volet social est encore à améliorer, l’administration Biden s’en inspire désormais. »_
Et d’autre États prennent aussi exemple sur la politique climatique californienne. Washington, l’Oregon mais aussi le Nouveau-Mexique, « et même l’Illinois, dans ce Middle West particulièrement conservateur », se félicite Katelyn Roedner Sutter.
(1) L’UE s’est dotée d’un mécanisme de quotas similaire, mais la défense de leurs intérêts par chaque État l’a vidé de son efficacité : le plafond annuel négocié est si peu contraignant pour les industriels qu’il a été brocardé comme un marché de « droits à polluer ».