Disons non à la réforme de l’assurance-chômage !
Un collectif de salarié·es de Pôle emploi dénonce les nouvelles règles de calcul des indemnités de chômage, applicables depuis le 1er octobre, qui entraînent une forte baisse des allocations pour les plus précaires.
dans l’hebdo N° 1674 Acheter ce numéro
Conseillers et conseillères dans des agences de Pôle emploi, nous refusons et dénonçons la réforme des droits à l’assurance-chômage, imposée au forceps par un décret publié la veille de son application. Nous souhaitons dire que la grande majorité des demandeurs d’emploi dans notre pays ne perçoivent pas d’assurance chômage.
Après avoir, dès 2017, amplifié à Pôle emploi le contrôle des chômeurs et révisé à la hausse les sanctions à leur encontre, le gouvernement s’attaque désormais au montant et à la durée de leur indemnisation. Il renforce ainsi la stigmatisation des chômeurs, la dénonciation de l’« assistanat » et la culpabilisation des demandeurs d’emploi, alors que la situation financière du régime paritaire est catastrophique. Ce déficit s’explique en partie par une politique de fiscalité sur le travail, très coûteuse, engagée depuis mai 2017. Il s’est amplifié avec la montée sans précédent du nombre de nouveaux chômeurs à la suite de la crise sanitaire récente.
La réforme en application depuis le 1er octobre 2021 modifie en profondeur le système d’assurance-chômage selon un scénario désormais bien huilé qui allie déficit du régime et baisse des droits. Ainsi, ce gouvernement compte détruire la gestion paritaire du régime et installer une forme d’étatisation de l’Unédic, l’organisme gestionnaire de l’assurance-chômage. Son idée, au bout du compte, est de ne plus assurer le risque du chômage par des fonds issus de cotisations salariales mais de permettre la mise en place d’un système d’allocations sociales financé principalement par l’impôt, qui garantirait une allocation forfaitaire en jours et en durée en cas de chômage. La fin du paritarisme de gestion de la protection sociale, très spécifique à notre pays, ouvrira la voie à une privatisation de la couverture de ces risques. Le marché de l’assurance-chômage, c’est environ 40 milliards d’euros cotisés. Les compagnies d’assurances s’y engouffreraient avec délectation !
Nous exigeons de pouvoir être utiles, protecteurs et solidaires avec nos usagers !
Dans les agences de Pôle emploi, où nous exerçons notre métier d’accompagnement et d’indemnisation des usagers, nous n’acceptons pas de voir les conditions d’accès à l’assurance-chômage restreintes, car cela entraînera des concitoyens vers l’assistance publique ou vers les minima sociaux, ce qui amplifiera la hausse de la pauvreté dans notre pays. Pourtant, loin de profiter d’un régime trop généreux, les allocataires de l’assurance-chômage retrouvent souvent un emploi avant l’épuisement de leurs droits. En 2018, ce fut le cas pour près de 7 chômeurs sur 10. Et ce, malgré des restrictions, en montant et en durée des droits, constatées depuis une quinzaine d’années.
Alors comment accompagner les demandeurs d’emploi vers l’emploi et limiter les risques de chômage dans ce contexte ? Ce gouvernement ne nous demande plus d’accompagner les demandeurs d’emploi… Non, ce gouvernement nous demande de les « placer » indépendamment de leurs souhaits. Les chômeurs doivent se plier aux besoins du marché, s’il le faut à la journée ou à la demi-journée, et renoncer à leur liberté de choisir leur avenir professionnel. Nous sommes réduits à un métier de placement et cela, nous le refusons ! Nous exigeons de pouvoir être utiles, protecteurs et solidaires avec nos usagers !
Alors que depuis plus de dix dans notre pays les subventions aux entreprises ne cessent d’augmenter sous des formes diverses (CICE, exonérations de cotisations sociales, primes à l’embauche…), aucune contrepartie en matière d’emploi n’est exigée. Au quotidien, nous inscrivons des personnes qui n’ont pas fait le choix d’être dans une situation de chômage. Les salariés précaires, celles et ceux qui ont plusieurs employeurs, celles et ceux à temps partiel contraint seront encore moins bien couverts. Le chômage résulte de choix extérieurs aux salariés, sur lesquels ils n’ont aucune prise. Il n’y a par conséquent aucune raison qu’ils en fassent les frais.
Pour nous, c’est l’architecture même de l’assurance-chômage qu’il faut repenser ! Nous n’admettons pas que moins d’un chômeur sur deux perçoive des allocations, d’un montant moyen inférieur à 1 000 euros, et que les autres relèvent des minima sociaux inférieurs à 500 euros mensuels ; ou pire qu’ils n’aient droit à rien (les jeunes de moins de 26 ans exclus du RSA).
La Constitution française de 1946 articule trois affirmations : « Chaque citoyen a le devoir de travailler, chacun a droit à un emploi, et faute d’emploi, il a droit à des moyens convenables d’existence. »
Nous appelons tous les collègues, qui comme nous sont outrés par ces dispositions, qui savent que cette réforme aura pour effet de baisser les revenus de remplacement des chômeurs d’environ 25 %, à prendre leur liberté de parole et à faire valoir leur liberté d’opinion dans les collectifs de travail mais aussi avec les demandeurs d’emploi qui se présentent et avec lesquels nous sommes en contact. Refusons les éléments de langage fournis par la direction générale de Pôle emploi qui sont iniques ! Par exemple : « Ce nouveau mode de calcul va permettre moins de contrats courts, vous apportera plus d’opportunités en CDI » ; « Vos droits ne baisseront pas et la durée de votre indemnisation sera plus longue. » Faisons valoir nos analyses ! Incitons les demandeurs d’emploi à se regrouper, à s’organiser et ainsi combattre cette réforme antisociale.
Et, enfin, ne soyons pas dupes ! À quelques mois de l’élection présidentielle, nous avons besoin d’un débat sur l’avenir de la protection sociale dans notre pays. Depuis 2017, ce pouvoir a attaqué l’assurance chômage, dessine un projet de réforme des retraites et affiche son intention de transformer l’assurance-maladie.
Nous, conseillers et conseillères de Pôle emploi, disons haut et fort ce que nous voyons, démontons les idées reçues sur le chômage et ceux qui le vivent. Faisons taire ceux qui pensent qu’il suffit de traverser la rue pour trouver du travail ! Refusons de faire écho aux éléments de langage fournis par la Direction générale, qui nous instrumentalise par là-même et nous infantilise !
Défendons un service public protecteur et solidaire de tous ses usagers !
Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.
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