« Le Dernier Album » de Mendelson : Claque de fin
Groupe essentiel du rock français, Mendelson met un terme à sa grande aventure avec Le Dernier Album, cinq chansons de haute intensité.
dans l’hebdo N° 1676 Acheter ce numéro
Perceptible dès L’avenir est devant (1997), album inaugural au vif éclat auroral, paru sur le regretté label Lithium, la singularité de Mendelson s’est encore plus nettement affirmée ensuite. À l’origine un duo, formé par Pascal Bouaziz et Olivier Féjoz, tous deux multi-instrumentistes, le groupe a connu diverses incarnations ultérieures. Après le départ de Féjoz, à l’orée des années 2000, Bouaziz – auteur, cocompositeur et chanteur – est devenu le seul élément pivot.
S’éloignant de la (nouvelle) chanson française minimaliste, Mendelson a pris la tangente dès son deuxième album – le splendide Quelque part (2000) – pour tendre vers un rock sans peur et sans concession, mâtiné de free-jazz, résolument hors normes. Toujours évolutif, aussi ambitieux qu’exigeant, le groupe a développé au fil des ans une discographie exempte de scories dont les deux vertigineux albums fleuves –Personne ne le fera pour nous (2007) et Mendelson (2013) constituent les jalons les plus imposants.
Après Sciences politiques (2017), opus composé entièrement de libres adaptations en français de morceaux de songwriters nord-américains ou anglais, arrive maintenant le septième album du groupe. Publié comme les deux précédents par le précieux label Ici d’ailleurs, il s’intitule Le Dernier Album et marque ainsi ostensiblement le point final dans l’histoire de Mendelson.
« Plus le temps passe, plus je crois qu’il est essentiel de ritualiser sa vie, de lui donner une structure, de se la raconter à soi-même pour essayer de la comprendre – sinon, elle reste à l’état de long blob inintelligible et absurde », nous confie Pascal Bouaziz. Appliquant ce principe de vie à sa pratique de la musique tout en méditant sur le désir de durer dans le rock, il a tiré une conclusion implacable quant à Mendelson et a choisi de tuer le groupe, encore en pleine vigueur. Plutôt mourir que (mal) vieillir et décrépir. « La perspective de finir comme Robert Smith, de s’enfermer dans une pathétique parodie de soi-même, me terrifie. Je ne peux pas imaginer Mendelson sortir un énième album en 2045, précise-t-il. S’ajoute à cela le fait que j’avais de plus en plus de mal à écrire des chansons pour ce groupe créé il y a vingt-cinq ans, autant dire une éternité… J’ai néanmoins tenu à réaliser un ultime album afin de clore l’aventure avec le plus d’élégance possible et de lui conférer la forme d’une histoire, presque romanesque. Pour pouvoir ajouter encore un chapitre, j’ai eu besoin de me dire que c’était le dernier. »
L’enregistrement s’est déroulé en septembre 2020, Pascal Bouaziz (chant, guitare) se trouvant ici à la tête d’une formation élargie, composée de quatre fidèles comparses – Sylvain Joasson (batterie), Pierre-Yves Louis (guitare), Jean-Michel Pirès (batterie) et Quentin Rollet (saxophone) – et de deux nouveaux venus – Nicolas Crosse (contrebasse) et Jean-Baptiste Julien (claviers).
Ensemble, ils génèrent une musique prospective, tantôt contemplative, tantôt convulsive, toujours inventive, qui déborde du cadre du rock et s’accorde idéalement aux paroles incisives dont le chant habité de Pascal Bouaziz, en mode parlé-chanté, amplifie encore le pouvoir de saisissement.
Démarrant avec « Le Dernier Disque », ouverture programmatique, et s’achevant avec « La Dernière Chanson », adieu au groupe doublé d’un bouleversant salut au complice des débuts (Olivier Féjoz), cet album concept terminal contient cinq chansons à la durée (très) variable mais à l’intensité constante. La plus remarquable s’avère sans conteste « Algérie », ode taraudante et déchirante au pays des ancêtres juifs de Pascal Bouaziz, qui se déverse, du fond d’un abîme intérieur, sur près de vingt torrentueuses minutes.
En parallèle de l’album paraît un ouvrage rassemblant l’intégrale des textes des chansons de Mendelson. Le disque et le livre sont disponibles séparément ou réunis dans un coffret en édition limitée (attention : collector). Enfin, le groupe va également tirer sa révérence sur scène à l’occasion d’une dernière tournée.
Le Dernier Album, Ici d’ailleurs/L’Autre Distribution.
Mendelson – Intégrale (1995-2021), Mediapop, 304 pages, 15 euros.
En concert le 23 octobre à Poitiers (Confort moderne), le 5 novembre à Tourcoing (Grand Mix), le 11 novembre à Paris (Petit Bain)…