COP 26 : un bilan criminel, indécent, dilatoire
Les quinze jours de négociations à Glasgow ont abouti à un résultat indigne : record d’émissions de gaz à effet de serre, déni de responsabilité vis-à-vis des pays pauvres, attentisme coupable. Vite, un ouragan citoyen !
dans l’hebdo N° 1680 Acheter ce numéro
C riminel – Quand la pérennité des conditions de vie décentes sur la planète est en jeu, on attend des États qu’ils se partagent les efforts supplémentaires nécessaires pour garantir aux populations que tout est mis en œuvre pour rester en deçà de 1,5 °C de réchauffement climatique, garantie sine qua non de survie pour une part significative d’entre elles.
Les quinze jours de négociations à Glasgow n’ont malheureusement pas été utilisés pour obtenir un renforcement immédiat des politiques climatiques nationales, qui conduisent à un réchauffement climatique de 2,4 °C ou plus. La prophétie de Paris, qu’on nous avait promise « autoréalisatrice », ne se réalise pas : les politiques climatiques nationales sont à des années-lumière du nécessaire, et les moins mauvais élèves ne sont que les meilleurs des cancres d’une classe de cancres. Alors qu’il faudrait réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 45 % d’ici à 2030, les États nous promettent de battre un record d’émissions chaque année (+14 % sur la période). La différence entre – 45 % et +14 % est un crime climatique. Un crime commis en toute connaissance de cause.
Indécent – Incapables de tenir les engagements financiers qu’ils ont pris il y a douze ans à Copenhague (COP 15), à savoir mobiliser 100 milliards d’euros annuels pour aider les populations des pays pauvres à faire face au réchauffement climatique, les gouvernements des pays riches multiplient les obstacles pour refuser de se placer à la hauteur de la responsabilité historique qui est la leur : une fois encore, ils se sont arrangés pour ne pas débloquer 1 euro de plus en vue de financer un mécanisme digne et juste de réparations des pertes et dommages irréversibles occasionnés par le changement climatique dans les pays pauvres. Ces derniers, qui ne sont pas responsables du changement climatique, en paient le prix fort et sont presque totalement abandonnés à leur sort par des États qui refusent d’assumer leurs responsabilités. C’est indécent.
Dilatoire – La mention des énergies fossiles dans les décisions de la COP 26, première du genre, ne saurait être l’arbre qui cache la forêt. D’abord parce que cette mention a été totalement édulcorée et vidée de sa substance, n’engageant finalement aucun État de la planète à changer ses priorités en la matière. Le seul principe inviolable que les États appliquent consciencieusement depuis presque trente ans persiste : « Notre mix énergétique national est non négociable (1) ».
Si les États voulaient vraiment éviter d’aller au-delà de 1,5 °C de réchauffement, ils s’engageraient à organiser une baisse de la production mondiale de gaz et de pétrole de 3 % par an jusqu’en 2050 et de 7 % pour le charbon (2). Plutôt que des politiques ambitieuses à court terme, ils multiplient les promesses sans consistance pour 2050 autour de la notion confuse et dangereuse de « neutralité carbone ». Comme si l’on pouvait attendre le dernier moment pour transformer les soubassements énergétiques de l’économie mondiale, qui fonctionne comme une machine à réchauffer la planète totalement hors de contrôle.
Le clou du spectacle réside dans la finalisation des règles de mise en œuvre des marchés carbone internationaux. Étendre ces mécanismes douteux à l’échelon mondial, en autorisant les États à utiliser les crédits carbone accumulés sans raison sous le protocole de Kyoto, revient à saper l’ambition des maigres politiques climatiques nationales déjà adoptées et, pour partie, à vider de leur substance celles que la société civile pourrait obtenir dans les années à venir. Voilà la porte ouverte à toutes sortes de marchés volontaires et autres mécanismes de compensation carbone qui vont permettre aux entreprises multinationales les plus nocives de ne surtout pas transformer en profondeur leurs systèmes productifs. La généralisation des marchés carbone et de la neutralité carbone instaure à l’échelle internationale un greenwashing institutionnalisé dans lequel tous les pollueurs vont se complaire avec allégresse.
En ne comportant aucun dispositif contraignant pouvant être actionné pour soumettre les États ou les industriels récalcitrants à l’impératif climatique, l’accord de Paris avait confié à la société civile la responsabilité de maintenir le réchauffement climatique global sous la barre des 1,5 °C. Le bilan de cette COP 26 le montre encore avec plus de force : la seule autorité légitime pour exiger des comptes auprès des États délinquants sur le climat, ce sont les populations. Il est donc encore plus qu’urgent qu’un ouragan citoyen renverse la table des négociations et oblige États, institutions internationales et multinationales à se soumettre à l’impératif climatique.
Par Maxime Combes Économiste et auteur de Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition (Seuil).
(1) « Les COP peuvent-elles organiser la sortie des énergies fossiles ? », T-lab, novembre 2021, t-lab.fr
(2) « Unextractable fossil fuels in a 1,5 °C world », Dan Welsby, James Price, Steve Pye et al., _Nature, n° 597, septembre 2021, www.nature.com
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