Maltraitance d’États sur migrant·es

La classe politique européenne est à l’unisson du cynisme de Loukachenko.

Patrick Piro  • 17 novembre 2021
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Maltraitance d’États sur migrant·es
Une opération d'expulsion d'un camp de migrants, le 16 novembre à Grande-Synthe.
© DENIS CHARLET / AFP

onc on les laisse mourir de froid derrière les barbelés ? » Le journaliste de BFMTV soumet à Julien Odoul la conséquence logique de son commentaire sur les personnes entassées à la frontière polonaise du Bélarus. « Bien sûr que oui, bien sûr que oui », martèle le porte-parole du Rassemblement national, jugeant « qu’il ne faut certainement pas accueillir ces migrants, dont beaucoup sont potentiellement dangereux » (1). Voilà où en sont rendus les abcès verbaux d’un parti qui prétend gouverner la France dans cinq mois.

Ils sont à l’unisson du cynisme de Loukachenko, qui se venge des sanctions déclenchées par l’UE après qu’il a réprimé dans le sang les Bélarusses contestant sa réélection frauduleuse d’août 2020. Le dictateur de Minsk a fomenté de toutes pièces cette crise migratoire en organisant la venue au Bélarus de milliers de personnes originaires de Syrie, d’Irak, du Liban, etc. Femmes, enfants et hommes sont pris en étau entre les fusils bélarusses et les barbelés polonais. Des actes qualifiés « d’inhumains ». On compte déjà plus de dix morts dans ce bourbier glacé. Et la situation s’y enlise. La Pologne veut construire un de ces odieux murs anti-migrant·es, pour la plus grande gêne des grosses chancelleries européennes, française comprise, commises à un devoir de solidarité minimum avec Varsovie, alors que la Pologne est sous la menace de sanctions communautaires pour ses dérives autoritaires.

Pour trouver de « l’inhumain », il n’est pourtant pas indispensable de se projeter à ces marges de l’Union. À Calais, frontière avec le Royaume-Uni, on meurt aussi. Près de 4 000 personnes migrantes survivent alentour sous des bâches en plastique dans des conditions désastreuses. Depuis bientôt six semaines, Anaïs Vogel et Ludovic Holbein ont pris le relais de la grève de la faim entamée le 11 octobre par le prêtre Philippe Demeestère. Avec des revendications simplement humanitaires : l’arrêt du démantèlement de camps de migrant·es pendant la période hivernale, de la confiscation de leurs tentes et effets personnels, et des facilités pour distribuer de l’aide. Autrement dit par Sébastien Nadot : qu’on respecte la loi, qui encadre depuis 2018 les expulsions par des obligations d’accompagnement social, sanitaire et administratif.

Car on n’en est même plus à interpeller la politique migratoire française. Pour le député ex-LREM, qui a piloté une commission d’enquête parlementaire dont le rapport est sorti le 10 novembre, les droits fondamentaux des personnes sont bafoués, et depuis des années à Calais, au point de constituer une véritable « maltraitance d’État ».

(1) BFMTV, le 11 novembre 2021.

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Parti pris

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