Polars : plaidoirie pour quelques best-sellers
Les best-sellers états-uniens ont décidément du bon.
dans l’hebdo N° 1679 Acheter ce numéro
Camarade Delinotte, je te réponds un peu tardivement, mais j’ai bien lu, dans le courrier des lecteurs du Politis du 9 septembre (n° 1670), ta réaction à la sélection de polars proposée ici même avant l’été – lettre dans laquelle tu expliquais trouver Michael Connelly, romancier à succès, « un peu trop cliché ». J’entends cette remarque, mais reste d’un avis différent : j’ai plutôt l’impression qu’en matière de littérature policière yankee, la bonne fortune de certains auteurs – puisque ce genre reste, à l’inverse de la science-fiction, largement dominé par des hommes – est plus qu’amplement méritée.
Cela se vérifie par exemple avec, précisément, le dernier opus de Connelly (1), dans lequel l’un de ses plus attachants personnages, l’avocat Mickey Haller, pris dans une machination, se trouve accusé d’un meurtre qu’il n’a pas commis. Jeté en prison, il doit notamment s’en remettre, pour tenter de se sortir de ce (très) mauvais pas où tout concourt à l’accabler, à son demi-frère, le célébrissime ex-inspecteur du LAPD Harry Bosch – ce qui nous fait un roman comptant deux héros pour le prix d’un, et d’une efficacité toujours aussi redoutable.
Non moins intense, le dernier livre de Lee Child (2), où le très décroissant Jack Reacher – dont les seuls biens matériels sont une carte de crédit, une brosse à dents et les vêtements qu’il porte –, de passage cette fois-ci dans le Wyoming, se lance sur les traces de la propriétaire d’une bague repérée dans la vitrine d’une échoppe, confirme, tout comme la nouvelle aventure, principalement ferroviaire, du shérif Walt Longmire, le si cool héros de Craig Johnson (3), que décidément : les best-sellers états-uniens ont du bon.
Mais ne négligeons pas pour autant les auteurs dont les ventes sont moins immédiatement spectaculaires, et profitons de la traduction du formidable Sarah Jane, de James Sallis (4), pour redécouvrir cet écrivain à qui l’on devait notamment une mémorable série de romans dédiée à l’ex-détective néo-orléanais Lew Griffin, publiée en France dans les années 1990, et qui signe ici, dans un registre fort différent de celui de ses trois collègues susmentionnés, un magnifique portrait de femme, presque contemplatif, où la dimension policière, tout soudain, s’efface derrière la restitution éminemment littéraire d’une existence.
Pour finir : effectuons un détour par la bande dessinée, où le polar compte aussi quelques artistes incontournables – même s’ils sont, en l’occurrence, devenus, de fait, des classiques. Et constatons que le sixième (et tant attendu) volume des enquêtes de John Blacksad, le chat détective du scénariste Juan Diaz Canales et du dessinateur Juanjo Guarnido, dont l’action se situe dans les lumières et les ombres du New York magnifiquement restitué des années 1950, est tout aussi splendide que les précédents (5).
(1) L’Innocence et la Loi, traduit par Robert Pépin, Calmann-Lévy, 485 pages, 21,90 euros.
(2) Minuit, dernière limite, traduit par Elsa Maggion, Calmann-Lévy, 432 pages, 22,50 euros.
(3) Western Star, traduit par Sophie Aslanides, Gallmeister, 384 pages, 23,80 euros. Cet éditeur poursuit par ailleurs, avec Les Serpents de la frontière, son travail de retraduction des romans de James Crumley, auteur prodigieux : on y reviendra.
(4) Traduit par Isabelle Maillet, Rivages, 220 pages, 19 euros.
(5) Alors, tout tombe (première partie), Dargaud, 60 pages, 15 euros.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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