Le déminage raté d’Éric Dupond-Moretti

La conférence de presse du ministre de la Justice s’est heurtée à la mobilisation des magistrats et barreaux.

Politis  • 15 décembre 2021
Partager :
Le déminage raté d’Éric Dupond-Moretti
© Fred TANNEAU / AFP

« Je n’ignore rien des arrière-pensées de certains et des tentations d’instrumentalisation dans un contexte préélectoral », a lancé Éric-Dupond Moretti au démarrage de sa conférence de presse, lundi 13 décembre, deux jours avant la mobilisation générale des magistrats, greffiers et avocats. Sa tentative de déminage était déjà mal partie. Elle est allée de mal en pis. Pour défendre son bilan, l’équipe de la place Vendôme a exposé des graphiques honteusement manipulés dans lesquels les 8,85 % d’augmentation d’effectifs semblaient proportionnellement avoir plus que doublé le nombre de magistrats en juridiction, alors qu’il n’en a ajouté que 698 sur 7 889… Un détail qui n’a pas échappé aux observateurs avisés et a rendu contre-productif l’exercice du garde des Sceaux. D’autant qu’au moment où le ministre tentait piteusement de sauver les apparences, les motions appelant à la mobilisation affluaient de toute part. Magistrats du siège, parquets, parquets généraux, barreaux… Tous main dans la main dénoncent les délais de traitement, les conditions de travail, le manque de moyens, la déshumanisation, l’entourloupe des chiffres de recrutement qui se soldent par l’arrivée de jeunes juristes assistants peu formés… Tous appelaient à battre le pavé le 15 décembre pour dénoncer cette justice malade. On n’avait pas vu une telle défiance des magistrats vis-à-vis du gouvernement depuis dix ans, quand Nicolas Sarkozy multipliait les attaques frontales contre les juges.

Cette fois-ci, le mal est plus profond et les agitations de l’ancien ténor du barreau devenu ministre n’ont convaincu personne. L’ultime camouflet est venu de la Cour de cassation, en pleine conférence de presse ministérielle. Dans sa motion, la plus haute juridiction judiciaire s’est associée au constat « d’une justice exsangue, qui n’est plus en mesure d’exercer pleinement sa mission ». En cause, « une pénurie chronique de ressources humaines, matérielles, de réformes multiples, conçues et menées dans l’urgence et l’impréparation ».

Société Police / Justice
Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Face au fichage de « Frontières », les collaborateurs parlementaires exigent des mesures concrètes
Entretien 11 avril 2025 abonné·es

Face au fichage de « Frontières », les collaborateurs parlementaires exigent des mesures concrètes

Après la publication du média d’extrême droite visant plusieurs collaborateurs de députés, une mobilisation inédite s’est tenue à l’Assemblée nationale. Manon Amirshahi, secrétaire générale de la CGT-CP, revient pour Politis sur les dangers que font peser ces pratiques et les revendications portées par les organisations syndicales.
Par Maxime Sirvins
À la Bourse du Travail à Paris, une journée pour dessiner une « sécurité sociale du logement »
Social 10 avril 2025 abonné·es

À la Bourse du Travail à Paris, une journée pour dessiner une « sécurité sociale du logement »

Le mercredi 9 avril, à l’initiative de la Confédération nationale du logement (CNL), plusieurs acteurs du logement, partis politiques et syndicats ont débattu des pistes pour définir les contours d’une sécurité sociale du logement : encadrement des loyers, lutte contre la spéculation, régulation des résidences secondaires…
Par Pierre Jequier-Zalc
La justice française refuse de livrer le militant antifasciste Gino à la Hongrie
Justice 9 avril 2025

La justice française refuse de livrer le militant antifasciste Gino à la Hongrie

Poursuivi pour sa participation présumée à une mobilisation contre l’extrême droite à Budapest en février 2023, Rexhino Abazaj, dit Gino, ne sera pas extradé. La justice française a rejeté la demande hongroise, pointant les risques de traitements inhumains et les atteintes aux droits fondamentaux.
Par Maxime Sirvins
Julie Couturier : « Attaquer l’État de droit, c’est attaquer la démocratie »
Justice 9 avril 2025 abonné·es

Julie Couturier : « Attaquer l’État de droit, c’est attaquer la démocratie »

Depuis la condamnation de Marine Le Pen, le Rassemblement national et sa cheffe de file crient à une décision « politique », opposant l’institution judiciaire à une supposée « souveraineté populaire ». Repris jusqu’au sein du gouvernement, ces discours inquiètent la présidente du Conseil national des barreaux.
Par Pierre Jequier-Zalc