Le déminage raté d’Éric Dupond-Moretti
La conférence de presse du ministre de la Justice s’est heurtée à la mobilisation des magistrats et barreaux.
dans l’hebdo N° 1684-1686 Acheter ce numéro
« Je n’ignore rien des arrière-pensées de certains et des tentations d’instrumentalisation dans un contexte préélectoral », a lancé Éric-Dupond Moretti au démarrage de sa conférence de presse, lundi 13 décembre, deux jours avant la mobilisation générale des magistrats, greffiers et avocats. Sa tentative de déminage était déjà mal partie. Elle est allée de mal en pis. Pour défendre son bilan, l’équipe de la place Vendôme a exposé des graphiques honteusement manipulés dans lesquels les 8,85 % d’augmentation d’effectifs semblaient proportionnellement avoir plus que doublé le nombre de magistrats en juridiction, alors qu’il n’en a ajouté que 698 sur 7 889… Un détail qui n’a pas échappé aux observateurs avisés et a rendu contre-productif l’exercice du garde des Sceaux. D’autant qu’au moment où le ministre tentait piteusement de sauver les apparences, les motions appelant à la mobilisation affluaient de toute part. Magistrats du siège, parquets, parquets généraux, barreaux… Tous main dans la main dénoncent les délais de traitement, les conditions de travail, le manque de moyens, la déshumanisation, l’entourloupe des chiffres de recrutement qui se soldent par l’arrivée de jeunes juristes assistants peu formés… Tous appelaient à battre le pavé le 15 décembre pour dénoncer cette justice malade. On n’avait pas vu une telle défiance des magistrats vis-à-vis du gouvernement depuis dix ans, quand Nicolas Sarkozy multipliait les attaques frontales contre les juges.
Cette fois-ci, le mal est plus profond et les agitations de l’ancien ténor du barreau devenu ministre n’ont convaincu personne. L’ultime camouflet est venu de la Cour de cassation, en pleine conférence de presse ministérielle. Dans sa motion, la plus haute juridiction judiciaire s’est associée au constat « d’une justice exsangue, qui n’est plus en mesure d’exercer pleinement sa mission ». En cause, « une pénurie chronique de ressources humaines, matérielles, de réformes multiples, conçues et menées dans l’urgence et l’impréparation ».
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