« Mens, mens, mens, mens, mens »
On croirait le morceau « Liar » des Sex Pistols inspiré par Emmanuel Macron.
dans l’hebdo N° 1682 Acheter ce numéro
J’écoutais l’autre jour cette déjà vieille chanson des Sex Pistols (1), « Liar » (2), qui se trouve sur leur mythique album Never Mind the Bollocks (3), sorti le 28 octobre 1977 au Royaume-Uni, et dont les paroles disent : « Mens, mens, mens, mens, mens, toi, menteur, tu mens, mens, mens. » Par lui-même, j’en conviens, ce couplet, qui a profondément révolutionné l’histoire des rimes riches, force l’admiration. Mais le plus extraordinaire est à mon avis que ce morceau a été composé avant la naissance d’Emmanuel Macron, qui est comme on sait venu au monde le 21 décembre 1977.
Car on le croirait inspiré par ce chef de l’État français qui prend plus qu’à son tour – et parfois effrontément – de grandes libertés avec la réalité et la vérité.
Tel fut notamment le cas lorsqu’il a dit, le 11 novembre, dans un discours prononcé devant les participant·es au Forum de Paris sur la paix, sa conviction que « le combat pour les droits de l’homme n’est pas relatif à une culture ou à un ensemble géographique » mais qu’« il est universel ». Ou lorsqu’il a tweeté, le 26 novembre, lors d’une visite officielle au Vatican : « Sur le climat et la biodiversité, sur l’accès pour tous aux vaccins, pour les pays qui ont moins ou qui traversent des crises comme le Liban, nous partageons avec le pape François la même détermination et des valeurs universelles. »
Dans la vraie vie, en effet, ledit pape, qui avait déjà dénoncé, en 2018, la mort de dizaines de milliers d’enfants yéménites tué·es par la guerre qui ravage leur pays depuis 2015, a de nouveau appelé, le 1er janvier 2021, Journée mondiale de la paix, à « prier pour le Yémen » – ce pays qui a, pour parler comme l’occupant de l’Élysée, beaucoup moins que moins. Par surcroît, François ne cesse de réitérer ses vibrants appels à en finir avec le commerce des armes.
Mais, dans la vraie vie, Emmanuel Macron, loin de partager avec le souverain pontife cette détermination et ces valeurs, continue au contraire à tolérer que des matériels de guerre français soient vendus à l’Arabie saoudite et à certains de ses alliés de la coalition qui poursuit depuis six ans la guerre qui a plongé le Yémen dans ce que l’ONU regarde comme la « pire catastrophe humanitaire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ».
Et dans la vraie vie, comme l’a révélé la semaine dernière le site Disclose – sans que ce gigantesque scandale provoque le centième de l’esclandre qu’il devrait occasionner –, la France d’Emmanuel Macron fournit, comme celle de François Hollande avant elle, des armes et une assistance militaire à la dictature égyptienne – qui piétine les droits humains pour lesquels ce président prétend combattre sous le sceau de l’universalisme.
La chanson des Sex Pistols se termine par ces mots : « Tu aurais dû comprendre que je sais qui tu es. »
(1) Dont le chanteur, John Lydon, qui a obtenu la nationalité américaine en 2015, a très sérieusement – et très sordidement – soutenu l’an dernier qu’il convenait de voter pour Donald J. Trump.
(2) « Menteur ».
(3) « Laisse tomber les conneries ».
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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