Enseignement supérieur : L’université rêvée de Macron
Notre Président pas encore candidat a ressorti une vieille antienne conservatrice contre la gratuité.
dans l’hebdo N° 1689 Acheter ce numéro
Comme le Petit Poucet, notre Président pas encore candidat sème à chacune de ses interventions publiques des petits cailloux de son futur programme : recul de l’âge de la retraite, doublement des effectifs de police sur le terrain d’ici à 2030, allégement des droits de succession… Il arrive toutefois que la caillasse lâchée par Emmanuel Macron s’apparente à un gros pavé dans la mare. C’est le cas de son projet de « transformation systémique des universités » dévoilé en clôture du congrès de la Conférence des présidents d’université, le 13 janvier.
Le pensionnaire de l’Élysée fait d’abord mine d’enfourcher un cheval de bataille oublié de la gauche en jugeant « révolu » le modèle français « à plusieurs vitesses, où les grandes écoles et organismes de recherche étaient supposés s’occuper de la formation des élites et l’université de la démocratisation de l’enseignement supérieur et la gestion des masses ». « Demain ce seront nos universités qui doivent être les piliers de l’excellence », a-t-il lancé. On applaudirait si la contrepartie n’était pas d’importer à l’université les recettes des écoles privées. À commencer par une augmentation des frais d’inscription.
Car, pour Emmanuel Macron, l’« intolérable gâchis » des échecs en première année n’est pas une question de moyens (1) mais le résultat d’« un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants ». Une vieille antienne conservatrice contre la gratuité : payer responsabilise. Il déplore en outre que ce modèle soit « beaucoup plus financé par l’argent public que partout dans le monde », ce qui est inexact au regard des chiffres publiés par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le chef de l’État se désole que le pognon de dingue dépensé pour « un tiers des étudiants […] considérés comme boursiers » n’empêche pas « tant de précarité étudiante ». Sa réforme « systémique », inspirée, semble-t-il, d’un rapport de l’Institut Montaigne qui suggère notamment de multiplier par six les droits d’inscription tout en ouvrant aux étudiants des prêts à remboursement contingent, donnerait davantage d’autonomie aux universités qui devraient passer avec l’État _« de véritables contrats d’objectifs et de moyens » pour « ne plus seulement garantir l’accueil des étudiants dans une formation mais [leur] orientation vers l’emploi ».
Dans l’université « plus efficacement professionnalisante » que projette Macron, « la logique de l’offre doit prendre le pas sur la logique de la demande », « les besoins de la nation » l’emporter sur l’émancipation individuelle.
(1) Entre 2010 et 2020, on comptabilise 20 % d’étudiants supplémentaires pour 2 % d’enseignants en plus.
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