L’emmerdeur

Ce sélectif enquiquineur se montre accommodant avec certaines de ses clientèles.

Sébastien Fontenelle  • 12 janvier 2022
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L’emmerdeur
© Ludovic MARIN / POOL / AFP

Emmanuel Macron est un emmerdeur. C’est-à-dire, d’après mon dictionnaire préféré, quelqu’un qui, intentionnellement ou pas, « importune, contrarie ou agace fortement les autres », ou les « ennuie » (1). Ce n’est bien sûr pas moi qui le dis – tu penses bien que je n’oserais pas.

C’est le chef de l’État français lui-même qui, l’autre jour, dans Le Parisien, a triomphalement déclaré : « Moi, je ne suis pas pour emmerder les Français. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien, là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc, on va continuer de le faire, jusqu’au bout. C’est ça, la stratégie. » Puis d’ajouter, pour justifier cette envie de couvrir – symboliquement – des gens d’excréments : « Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je deviens un irresponsable. Un irresponsable n’est plus un citoyen. »

Ces propos, qui ont déjà fait couler beaucoup d’encre (2), invitent, de fait, à mille exégèses – lesquelles, hélas, n’entreraient pas dans le cadre dramatiquement étroit des deux minuscules feuillets où doit tenir cette chronique (3).

Mais tout de même, observons, sans véritable surprise, qu’Emmanuel Macron ment ici, et une fois de plus, effrontément. Car, loin de « pester toute la journée contre l’administration » lorsqu’elle « bloque les Français », comme il le prétend faussement, cet emmerdeur assumé (4) a, tout au contraire, et par exemple, (très) durement durci le contrôle auquel ladite administration soumet les chômeurs et chômeuses.

Et surtout, retenons qu’en même temps qu’il veut donc « emmerder » des gens dont il refuse par conséquent de comprendre qu’ils peuvent éventuellement éprouver de la difficulté à se frayer un accès jusqu’à la vaccination contre le covid, ce sélectif enquiquineur se montre extraordinairement accommodant avec certaines de ses clientèles – comme celle, parmi nombre d’autres, des régimes criminels auxquels, depuis son entrée dans l’Élysée, il continue imperturbablement de vendre des armes, dont il sait pourtant pertinemment qu’elles servent à d’épouvantables répressions et tuent des innocent·es.

Car en somme, lorsqu’il n’est pas occupé à déclamer – à fort bon droit – que la liberté des un·es s’arrête là où commence celle des autres, ce si responsable expert en citoyenneté ne se formalise nullement de ce que sa propre liberté de commercer avec de tels bourreaux soit, du Caire (Égypte) à Sanaa (Yémen), si horriblement coûteuse en libertés et en vies humaines. 

(1) Pour l’emploi de ce mot, le dico en question donne l’exemple suivant, tiré d’un bouquin de Sartre, et qui, me semble-t-il, convient, ici, parfaitement : « Quelle connerie peut-il avoir encore faite, ce petit emmerdeur ? »

(2) Comme on dit quand on ne dédaigne pas d’user de loin en loin d’un bon vieux clicheton journalistique.

(3) Dont je vais de nouveau réclamer en 2022 qu’ils soient doublés – je te dirai où et quand signer la pétition.

(4) Il a déclaré, le 7 janvier, qu’il « assum[ait] totalement »les propos tenus dans Le Parisien.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes
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