L’indécent greenwashing du financement de l’aéroport de Hong-Kong

L’ONG Reclaim finance dénonce la participation des banques à l’émission d’une obligation verte pour financer l’expansion de l’aéroport de Hong-Kong.

Vanina Delmas  • 11 janvier 2022
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L’indécent greenwashing du financement de l’aéroport de Hong-Kong
Vue de l'aéroport international de Hong-Kong, août 2021.
© EyePress News / EyePress via AFP

Pour bien commencer l’année, l’ONG Reclaim finance a repéré un exemple de « greenwashing de haut vol » ! Début janvier, 22 banques, dont BNP Paribas, UBS et HSBC, ont été mandatées par l’Autorité aéroportuaire de Hong-Kong pour trouver des investisseurs prêts à financer les quatre milliards de dollars que coûte l’expansion de l’aéroport asiatique qui doit être prêt en 2024.

L’une des tranches de ce financement passe par les fameuses obligations vertes, aussi appelées greenbonds. Une obligation verte fonctionne comme une obligation classique c’est-à-dire qu’un acteur de marché (banque de développement, entreprise, État, collectivité territoriale…) emprunte auprès d’investisseurs contre le paiement d’un intérêt jusqu’à la date prévue pour le remboursement intégral. Une obligation est dite verte lorsqu’elle est supposée financer des projets compatibles avec la protection de l’environnement, du climat et le respect des droits humains. Problème : il n’existe pas de standard obligatoire au niveau international pour encadrer ces attributions, laissant le champ libre aux entreprises les plus polluantes. Ainsi, Enbridge spécialisée dans les sables bitumineux s’en est servi en 2018 pour des projets d’énergies renouvelables. Mais cela lui a aussi permis de libérer des capitaux pour poursuivre ces autres projets dans les énergies fossiles, comme l’oléoduc Line 3 entre le Canada et les États-Unis.

À lire > COP26 : l’illusoire mobilisation de la finance

Pour Lara Cuvelier, chargée de campagne pour Reclaim finance, il est assez problématique de pouvoir certifier un greenbond rattaché à un projet global extrêmement polluant ou à une entreprise aux activités néfastes pour l’environnement :

Pour le cas de l’aéroport d’Hong-Kong, l’extension implique la construction d’une nouvelle piste mais aussi celle d’infrastructures comme des immeubles qui seront plus efficients sur le plan énergétique, et l’utilisation de véhicules qui seront électriques. Ainsi, ils justifient le côté vert du projet.

Selon Airport Tracker, l’aéroport émet actuellement l’équivalent des émissions annuelles de CO2 de trois centrales à charbon. La nouvelle piste permettra de porter la capacité de l’aéroport de Hong Kong à 120 millions de passagers par an et la capacité de fret à 10 millions de tonnes par an.

Pourtant, cet appel des banques à investir a été un succès. L’obligation a été mise sur le marché le 4 janvier. En deux jours, ils ont réussi à lever trois fois le montant nécessaire, notamment la partie dite verte. Mais Reclaim finance n’a pas encore réussi à obtenir le nom des investisseurs. L’ONG dénonce l’hypocrisie générale autour des greenbonds, et celles des acteurs financiers (banques et investisseurs), de plus en plus nombreux à prôner la neutralité carbone :

Ici, 11 des 22 banques adhèrent à la Net-Zero Banking Alliance, donc se sont engagées à aligner les émissions de leurs portefeuilles de prêts et d’investissement sur une trajectoire visant la neutralité carbone d’ici à 2050. Or, c’est incompatible avec une quelconque participation à des projets encourageant l’augmentation du trafic aérien.

Selon Reclaim finance, l’autorité aéroportuaire de Hong-Kong n’est pas la première société aéroportuaire à émettre une obligation verte pour financer l’expansion de ses infrastructures. Depuis 2016, cinq autres y ont eu recours, et cela a été un succès à chaque fois : le Mexico City Airport Trust, le Royal Schiphol Group, Swedavia, Aeroporti di Roma Group et Incheon International Airport Corporation.

À lire > DOSSIER : La finance peut-elle sauver la planète ?

Écologie
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