Waly Dia : Éclats de rire sur France réac’
Décapant et frontalement politique, Waly Dia s’empare des combats du moment, sans se départir de son rôle d’humoriste.
dans l’hebdo N° 1689 Acheter ce numéro
Pur produit de la génération « stand up », qui a inondé la scène du rire au début des années 2010 grâce au tremplin offert par Jamel Debbouze, Waly Dia met désormais sa science de la vanne au service d’un humour social.
Né d’une mère française, infirmière en psychiatrie, et d’un père sénégalais ayant gravi les échelons de son entreprise pour finir directeur des achats, Waly Dia grandit dans un quartier populaire grenoblois. Sa chance, juge-t-il avec le recul, aura été de maîtriser deux langages, celui du quartier et celui de l’élite. « Deux formes d’intelligence qui ont chacune leur noblesse » et qui infusent encore son humour.
Waly Dia se constitue progressivement un public, grâce à des sketchs sur la drague en boîte de nuit, la vie de couple ou les facéties des collégiens des années 2000. Son talent de comédien et son énergie d’ancien danseur hip-hop complètent une écriture efficace. Mais il s’autocensure.
Sa chance aura été de maîtriser deux langages, celui du quartier et celui de l’élite.
Sa mue sera spectaculaire. En 2018, il lance son troisième one-man-show par une tournée fondée sur l’improvisation. À 33 ans, le jeune père se sent prêt à assumer un rôle de grande gueule. Il semble chercher l’adversité et trouve désormais l’inspiration dans la tragicomédie de l’actualité, les violences policières, le complotisme, le patriarcat, l’antisémitisme, la pédocriminalité ou le consumérisme.
Seul en scène pendant une heure et demie, il désamorce des sujets d’apparence explosive et porte un regard cru sur la société. « À l’hôpital, il n’y a plus d’oseille ! On fait des trachéotomies avec des roulettes à pizza. Vous venez pour une anesthésie, on vous donne des Dragibus », assène-t-il. Il ironise sur le sort des gilets jaunes, cette autre France pauvre qui a découvert les Flash-Ball vingt ans après les jeunes de banlieue. Il se paye Éric Zemmour et son projet de guerre civile, « surtout pour les autres… Parce que son corps galbé comme un furet asthmatique lui interdit toute forme de violence ».
Waly Dia assume une ligne farouchement politique, mais n’abandonne jamais son vécu, ni la traduction concrète des scandales que vivent les gens, et qu’il dénonce. Il tient surtout à rester dans son costume d’humoriste, en retombant sur une vanne à chacune de ses tirades.
Depuis septembre 2020, il s’est ouvert à un nouveau public grâce à ses chroniques régulières dans l’émission « Par Jupiter », sur France Inter, dans laquelle il jouit d’une grande liberté de ton. Il offre, à près d’un million d’auditeurs en moyenne, un condensé hilarant de l’actualité en quatre minutes, qui lui demande au moins deux jours d’écriture. Un exercice qu’il partage avec son coauteur, Mickael Quiroga. Leur technique est rodée : repérer l’absurdité d’une réalité et délivrer la punchline qui créera l’effet de surprise, comme pour stresser l’auditoire tout en lui délivrant la dose de rire salvateur.
L’humour qu’il propose est un plaisir paradoxal. Comme le titre de son spectacle, Ensemble ou rien, formulé comme un ultimatum bienveillant. L’espoir de Waly Dia, c’est que son regard sans concession participe au « rire-ensemble ». Une promesse délicieusement subversive.