Jardins d’Aubervilliers : après le saccage des jardins, un centre aquatique inaccessible
Retardée par une mobilisation du collectif de défense des jardins, la première coulée de béton marque la fin de 4000 m² de verdure, remplacés par un centre aquatique qui ne correspond pas aux attentes des habitants du quartier.
La nuit emplit encore le ciel d’Aubervilliers, le froid transperce les couches de vêtements en ce mois de février. Il est 6h30 et une vingtaine de militants franchissent l’entrée du chantier du futur centre aquatique, destiné à accueillir les nageurs des Jeux Olympiques 2024 pour leurs entraînements. « Cette fois on rentre, indique une militante à l’accueil. On est pacifiste, il n’y aura pas de souci ». L’employé sourit, entente tacite. « Faites attention quand même, il y a de la boue. »
4000 m² d’une boue grisâtre, qui accueillaient pourtant il y a quelques mois encore 19 parcelles de jardins ouvriers vieux d’une centaine d’années. Derrière les palissades de chantier, les arbres des parcelles restantes frémissent : en ce mercredi 2 février, le béton va commencer à couler. Une action avait déjà eu lieu en septembre dernier. Pour les militants, c’est l’opération de la dernière chance pour espérer sauver les terres des jardins des Vertus avant qu’elles ne soient recouvertes de ciment.
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Apprendre à nager
Le projet de centre aquatique à Aubervilliers, c’est 7000 m² répartis en piscines, espaces de fitness et solarium pour bronzer au soleil. La halle sportive, avec son bassin de 50 mètres de long et ses gradins pouvant accueillir 500 personnes, pourra être utilisée pour des compétitions internationales, à commencer par les entraînements pour les prochaines olympiades d’été.
Un deuxième bassin, de 25 mètres de long, accueillera quant à lui des « nageurs de tous niveaux » et devrait permettre « l’apprentissage de la natation aux scolaires », dans un département où plus d’un enfant sur deux ne sait pas nager à son entrée en 6e, d’après les chiffres de la Direction des services départementaux de l’Éducation nationale. Un argument qui ne tient pas pour Vingt, militant qui témoigne sous un nom d’emprunt :
La problématique des piscines dans le 93 est liée à l’organisation de l’Éducation nationale. Aubervilliers compte déjà une piscine, qui peine à se remplir, et l’été, au bord du canal, des piscines sont mises à disposition des enfants pour qu’ils puissent nager.
Pour lui, construire une nouvelle piscine peut être pertinent, mais pas dans de telles dimensions. « Les enfants d’Aubervilliers n’ont pas besoin d’un bassin olympique de 50 mètres. Avec une piscine de taille normale, on aurait pu sauvegarder les 19 parcelles qui ont été détruites. »
Espace détente
Les deux piscines du complexe sportif s’accompagneront d’une « halle de loisirs », avec des toboggans et des jeux aquatiques qui donneront un accès direct à un solarium minéral et végétal de 2000 m² – autrement dit, un espace aménagé pour prendre des bains de soleil. Sans oublier l’espace de fitness et de cardio-training, ou encore le « village finlandais » avec ses saunas et hammams.
Le collectif de défense des jardins d’Aubervilliers, à l’origine de l’action de désobéissance civile de ce mercredi 2 février, a estimé les tarifs qui seront proposés dans ce futur centre aquatique, en étudiant ce qui était proposé dans des établissements de même facture : pour une séance de nage pure, il faudra compter autour de 4 euros, contre 3,50 dans l’actuelle piscine municipale d’Aubervilliers. Quant à l’accès aux espaces fitness, les tarifs devraient se situer entre 16 et 25 euros la journée. Isabelle, membre du collectif, dénonce le discours des pouvoirs publics :
Ces espaces fitness, c’est un peu l’argument de vente des pouvoirs publics, qui disent que les Albertivillariens ont le droit d’avoir un équipement qualitatif de luxe, avec des équipements fitness de qualité. Or, c’est très supérieur à ce que les gens ici ont envie de mettre dans une piscine.
Durant les visites des jardins organisées par le collectif à destination des adolescents, elle a demandé à ces jeunes qui habitent dans les cités adjacentes ce qu’ils en pensaient. « Quand on leur a dit que ce serait 16 euros pour accéder au sauna, ils faisaient la tronche ! »
En sus de réduire les espaces de verdure dans un département qui en manque cruellement – 1 m² par habitant actuellement, alors que l’organisation mondiale de la santé en recommande 10 – le centre aquatique d’Aubervilliers ne semble pas remplir ses missions de service public, demeurant inaccessible pour la majorité des habitants du quartier. La mobilisation du collectif de défense des jardins d’Aubervilliers, à l’issue de laquelle sept personnes ont été placées en garde à vue pendant 34 heures, a retardé la coulée de béton. Mais pour les terres des jardins des Vertus, le répit devrait être de courte durée.
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