La mascarade Macron
Dans Sentinelles, Jean-François Sivadier raconte le parcours de trois copains pianistes et questionne avec passion ce qui relie l’artiste au monde.
dans l’hebdo N° 1693 Acheter ce numéro
Cette mauvaise farce doit cesser. Et vite ! De quoi parle-t-on ? D’un président de la République candidat qui, faute d’avoir officialisé sa candidature, utilise les moyens de l’État pour mener campagne. À nos frais donc, et en totale distorsion de concurrence vis-à-vis des candidats déclarés qui, depuis le 1er juillet ou leur déclaration de candidature (si elle est postérieure), sont astreints à comptabiliser la moindre dépense pour rester dans l’épure autorisée. Emmanuel Macron, puisque c’est de lui qu’il s’agit, dispose pourtant déjà, nous détaille Le Monde (12 février), d’un local de campagne où s’activent une cinquantaine de salariés avec une équipe de campagne de vingt-sept hommes et deux femmes, en étroite relation avec La République en marche, dont le siège est voisin d’une centaine de mètres, sous le pilotage discret du secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler. Depuis le 3 février, il a déjà recueilli les 500 parrainages nécessaires à sa candidature.
Le candidat n’en continue pas moins, à 54 jours du premier tour, de se cacher derrière le Président. Une fonction dont il se drape pour multiplier les déplacements (une douzaine de départements ont été visités ces deux derniers mois) ponctués d’annonces qui sont autant de briques d’un futur programme. On l’a ainsi vu annoncer la semaine dernière à Belfort la commande de six EPR pour… 2035. Et dérouler un plan énergétique jusqu’en 2050. Auparavant, il s’était prononcé dans l’Allier pour un aménagement du non-cumul des mandats et, à Nice, il avait détaillé par le menu une loi d’orientation sur la sécurité dotée de 15 milliards sur cinq ans, qui ne sera adoptée qu’en mars en conseil des ministres pour une présentation à l’Assemblée nationale au plus tôt cet été. S’il est réélu, car c’est bien le non-dit de cette instrumentalisation des annonces avant élection.
Cette campagne fantôme contraint son parti, La République en marche, à avancer masquée. Ces derniers jours, peut-être avez-vous vu des affiches et des tracts aux couleurs nationales vous invitant à « découvrir la voix des Françaises et des Français » et à faire « entendre la vôtre » sur avecvous.fr. Une opération d’hameçonnage électoral conduite par le parti présidentiel – il faut consulter les mentions légales de ce mystérieux site pour l’apprendre – qui se cache derrière un faux-nez pour se lancer à la pêche aux voix et aux idées. Un procédé retenu aussi par les « Jeunes avec Macron » : ils avaient prévu lundi de cibler les célibataires sur trois applications de rencontre bien connues, Tinder, Bumble et Grindr, au prétexte de _« lutter contre l’abstention ». La démocratie n’a que faire de ces pis-aller et faux-semblants. Elle exige du débat.