Neil Young : Chansons de la pleine lune
Neil Young publie dix nouvelles compositions, entre deux parutions des trésors de ses archives.
dans l’hebdo N° 1691 Acheter ce numéro
C’est une bâtisse en bois de deux étages, au fronton de laquelle trône le squelette d’un crâne d’animal, comme sur un tableau de Georgia O’Keeffe. Un relais pour les diligences au XIXe siècle transformé en studio d’enregistrement. Une petite chose finalement, sous l’immensité du ciel. C’est ce que suggère en tout cas le cadre de la photo. Encore plus petits, les quatre membres de Crazy Horse, comme des Fab Four de l’Ouest, dont on ne sait si, au moment de la photo, ils s’apprêtaient à commencer les enregistrements ou, au contraire, se félicitaient du travail accompli.
L’activité de Neil Young ces dernières années est impressionnante, entre l’exploration de ses archives (et les publications régulières qui en découlent) et l’enregistrement de nouveaux albums. Le prochain extrait des archives viendra, en février, fêter les 50 ans de la sortie de son album le plus célèbre, Harvest, avec un film et un disque. Et les sessions du prochain opus sont déjà planifiées.
Barn (« grange ») doit donc son titre au lieu de son enregistrement, au printemps dernier, au moment de la pleine lune de juin, que les Amérindiens nommaient déjà la lune de la fraise, car elle apparaît en même temps que les premières fraises sauvages. Un détail d’importance pour Neil Young, qui dit ressentir l’énergie particulière de la pleine lune. Comme un paysan qui choisit le moment du semis et celui de la récolte. Ce qu’enfant il rêvait de devenir. Il a mis dans sa musique et sa façon d’être ce mélange de simplicité, d’intelligence et de savoir-faire.
Les chansons possèdent tout cela, qu’elles parlent d’amour, des difficultés de la vie (c’est-à-dire d’être humain et vivant), du passé « bon vieux temps », celui de l’enfance (« Heading West »), un sujet récurrent chez Neil Young, ou de sujets plus graves comme la survie de la planète et de l’humanité.
« Human Race » est le grand morceau de ce disque, le sommet électrique. Toutes guitares dehors, comme si, avec les tornades électriques qu’elles génèrent, elles allaient pouvoir contrer celles qui, régulièrement, détruisent tout sur leur passage, jusqu’à l’ultime aux accents bibliques qui pourrait en finir avec l’humanité. « Qui va sauver la race humaine ? / Où les enfants / Devront-ils fuir et se cacher / Du feu et du déluge / Que les gens d’aujourd’hui ont laissés derrière eux ? » C’est le Neil Young en colère qui ajoute : « Qui va dire / Aux enfants du futur / Que nous n’avons pas essayé / De sauver le monde pour eux ? »
En revanche, pas de grandes épopées comme c’est souvent le cas chez lui. Seul « Welcome Back », avec ses huit minutes griffées de larsens et son rythme lancinant, fait exception dans un disque aux compositions assez courtes et pour certaines conclues étonnamment rapidement. Une autre illustration de la simplicité qui semble avoir prévalu pour sa réalisation. Des chansons prises comme elles sont venues. La façon de les jouer s’est quant à elle imposée aux musiciens avec l’évidence que procure une longue complicité.
Barn, Neil Young, WEA.