Pour bien nourrir tout le monde, révolutionnons nos politiques agricole et alimentaire
Alors que s’ouvre le Salon de l’agriculture, Aurélie Trouvé et des membres du parlement de l’Union populaire qu’elle préside défendent, ici, une politique agricole susceptible d’enrayer la crise sociale de ce monde et de répondre à la nécessaire bifurcation écologique.
Les chiffres du dernier recensement agricole sont catastrophiques : en 2020, il ne reste que 390 000 fermes sur le territoire national, contre 490 000 il y a dix ans. À ce noir tableau s’ajoutent les 600 000 salarié·es agricoles, complètement invisibilisé·es. Aucune politique publique n’a permis d’enrayer cet immense plan social mené à bas bruit dans l’agriculture, avec une baisse moyenne des actifs agricoles de l’ordre de 2 % par an. À ce rythme, l’issue est dramatiquement prévisible : il ne faut pas s’attendre seulement à la disparition des paysan·nes, mais à celle de l’agriculture écologique et paysanne tout entière. Et pour quoi ? Pour le profit d’une agro-industrie triomphante, soutenue par M. Macron et son Plan France 2030, incarné dans le slogan _« Robotique, numérique, génétique ».
Les auteurs :
Aurélie Trouvé, Ex-porte-parole d'Attac,
Léo Coutellec, Ex-porte-parole du MIRAMAP,
Patrick Bougeard, Ex-président de Solidarité Paysan,
Jocelyne Porcher, sociologue,
André Bouchut, syndicaliste paysan.
Ré-orienter nos politiques publiques agricoles
Plus aucune personne, formée et motivée, ne devrait renoncer à s’installer à cause de difficultés d’accès au foncier ou d’un manque de revenus. Aujourd’hui, un tiers seulement des 14 000 installations annuelles bénéficie de la dotation Jeune Agriculteur. Le budget consacré à ces aides doit être largement augmenté et ré-orienté pour le soutien à une agriculture écologique et paysanne, y compris pour les nouveaux installés de plus de 40 ans.
La dignité du métier de paysan·ne et l’amélioration des conditions de vie doivent aussi être une priorité, avec une retraite minimale à 1.400 euros net par mois pour une carrière complète, et une meilleure régulation des prix, notamment par la mise en place de prix planchers et des prix minimums d’entrée à l’importation, ainsi que de coefficients multiplicateurs permettant de réguler les marges de la grande distribution.
La terre agricole est aujourd’hui sacrifiée, nous détruisons 55 000 ha tous les ans. Une grande réforme agraire doit mettre fin à cette hémorragie pour faciliter l’accès et le partage des terres, lutter contre les accapareurs et les spéculateurs, notamment en instaurant une surface maximale d’exploitation lors des transmissions de terres agricoles et en préservant ces dernières de l’artificialisation.
L’accompagnement technique, la formation et la recherche publics doivent être largement soutenus, débarrassés de l’influence de lobby privés et mis au service de cette bifurcation. Et une refonte démocratique des instances agricoles s’impose avec l’instauration d’un droit de regard et d’orientation des citoyen·nes.
Faire de l’agriculture écologique et paysanne la règle, plus l’exception
L’agriculture industrielle détruit tout : les écosystèmes, la santé des Français·es et particulièrement celle des paysan·nes. L’élevage industriel est un concentré de souffrances animales inacceptables et l’un des principaux risques de zoonoses – la pandémie de Covid 19 l’a mis en lumière. Œuvrer à une véritable transition écologique, c’est interdire les fermes-usines et encourager la sortie de l’élevage industriel en accompagnant les éleveur·ses, réduire la production et de la consommation de protéines animales, et favoriser le soutien à l’élevage paysan respectueux du bien-être animal, comme de celui des éleveurs et de l’environnement.
Nous devonsprogressivement interdire tout ce qui détruit, les pesticides et engrais chimiques de synthèse, à commencer, immédiatement, par celle du glyphosate et des néonicotinoïdes, nous devons stopper les projets de méga-bassines. L’agriculture écologique et paysanne doit devenir la règle, plus l’exception.
Garantir le droit effectif à une alimentation choisie
Il devient urgent de reconnecter la question agricole aux enjeux alimentaires : ce sont les besoins alimentaires, démocratiquement identifiés, qui doivent déterminer l’économie agricole, pas l’inverse. Il faut désormais s’adresser aussi aux 10 millions de précaires alimentaires et aux 26 millions d’insatisfait·es de leur alimentation. Remplacer l’actuel ministère de l’Agriculture, chambre d’enregistrement du complexe agro-industriel, par un ministère au service de la production alimentaire pourra symboliser ce changement de cap : désormais, le cœur des politiques agricoles doit être l’horizon d’une autonomie alimentaire et la garantie d’un droit effectif à une alimentation de qualité.
Cela passe par des mesures d’urgence comme la hausse massive du pouvoir d’achat populaire pour permettre l’accès à une alimentation saine et variée, sans rogner la rémunération des producteur·rices. Mais aussi par des mesures structurelles qui doivent viser une garantie universelle d’accès à des aliments choisis et poser les jalons vers une Sécurité sociale de l’alimentation.
Reprendre la PAC au productivisme
Rien de tout cela ne se fera en restant dans le carcan de la PAC actuelle et sans une rupture avec l’ordre néolibéral qui dirige l’économie agricole au niveau international. L’année 2022 sera celle de décisions importantes quant au Plan stratégique national (PSN), qui donne aux États membres une certaine liberté d’application au sein de la PAC. Le PSN actuellement établi par le gouvernement français n’est absolument pas à la hauteur des enjeux, il devra être largement renégocié pour :
● une PAC au service de la bifurcation écologique de l’agriculture, à la hauteur des enjeux de santé publique, de climat, de biodiversité et de bien-être des animaux d’élevage ;
● une PAC créatrice d’emplois, où les aides ne soient plus des rentes à l’hectare, mais conditionnées à la création d’emplois agricoles, aux besoins alimentaires d’un territoire et à des modes de production vertueux ;
● une PAC qui défende le revenu des agriculteur·rices plutôt que d’être la machine à profits de l’industrie de l’agroéquipement.
Il devient urgent de mettre au pouvoir cette ambitieuse ré-orientation des politiques agricoles et alimentaires qui fait le pari d’un renouveau par l’installation paysanne et la démocratie alimentaire. Soyons, dans les urnes comme dans les champs, les porte-voix de cette révolution, les relais de toutes les luttes paysannes, la courroie de distribution des alternatives concrètes au modèle productiviste.
Membres du Parlement de l’Union Populaire, parce que nous retrouvons cette ambition dans _le programme L’Avenir en commun__,_ nous voterons et appelons à voter pour l’Union Populaire autour de la candidature Jean-Luc Mélenchon en avril 2022.
Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.
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