Avec Mélenchon, « une chance d’être écoutés »
Pour la première fois, des associatifs et des militants de quartiers populaires se sont réunis en collectif pour appeler à voter pour le candidat insoumis. Même s’il est loin d’être parfait à leurs yeux.
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Dans un gymnase d’école de Grabels, en périphérie de Montpellier, une cinquantaine de personnes se retrouvent ce samedi 26 mars. Dans une ambiance chaleureuse, ils vont s’écouter et débattre. Venus des quartiers populaires de toute la France, ces acteurs associatifs et militants ont décidé, au regard du contexte politique actuel, de prendre position. C’est l’acte de naissance du collectif « On s’en mêle ». Après avoir publié une tribune pour appeler à voter pour Jean-Luc Mélenchon, ils ont décidé de se retrouver pour élaborer un plan d’attaque et confronter leurs divergences.
On retrouve là beaucoup d’anciens de la lutte des quartiers, comme ceux de la Marche pour l’égalité et contre le racisme (1983) ou du Mouvement de l’immigration et des banlieues (MIB) (1995), mais aussi des plus jeunes, comme le journaliste Taha Bouhafs ou Youcef Brakni, porte-parole du Comité Adama. « Il y a le paysage complet des luttes depuis quarante ans », se réjouit Salah Amokrane, militant du mouvement pour l’égalité des droits et contre le racisme et les discriminations. « Je suis ravi d’être là ! La marche, le MIB, l’association MIR, le Collectif Adama, Toulouse, Marseille, Paris et tout le monde. Ça me réchauffe le cœur et ça me donne envie d’y croire. » Croire qu’ensemble ils pourront être les acteurs d’un changement de la politique nationale pour les quartiers populaires. Abandonnés et stigmatisés par les gouvernements successifs. « La question de l’immigration et de ses enfants est centrale en France. Cela a permis de déplacer le débat du social au racial. On est marginalisés. Alors qu’on est au centre du débat, personne ne nous écoute », pointe Jamal El Arch, conseiller municipal à Toulouse. L’assemblée, touchée, l’applaudit chaleureusement.
« Le PS nous a fait disparaître du débat. On a toujours été exclus. »
Ce sentiment de marginalisation est aussi présent parmi la jeune génération. « On se fait toujours effacer du débat, puis on vient nous chercher à chaque fois aux élections », assène Taha Bouhafs. C’est donc pour être plus forts, ensemble et avoir plus de poids qu’ils ont fondé « On s’en mêle ». Pour Katia, les « anciens ont montré le chemin » et aujourd’hui « il faut s’en inspirer ». « Toutes les luttes, nous devons les mener ensemble ! », poursuit-elle. Zouina Meddour, militante associative au Blanc-Mesnil approuve : « Le collectif, c’est le garant de la sécurité, c’est le garant de notre voix avec nos nuances et notre représentativité. Il faut que la question des quartiers soit véritablement prise en compte. »
Comme première décision, et face au climat politique toxique envers les musulmans, les étrangers, les migrants et les quartiers, le collectif a publié, le 17 mars, une tribune appelant à voter pour Jean-Luc Mélenchon. « Nous n’avons jamais délégué nos voix à des partis politiques qui ne nous représentent pas, rappelaient les signataires, mais nous ne pouvons rester spectateurs d’une ratonnade politico-médiatique en bande organisée. » Tarek Kawtari est cofondateur du MIB et de la Caravane des quartiers, projet né en mai 2021 dans le quartier du Petit-Bard de Montpellier autour d’un camping-car qui a sillonné plusieurs grandes villes pour aller à la rencontre des jeunes des cités. Pour lui, ces derniers ne doivent plus se laisser faire. « On s’est alors rapprochés de l’Union populaire, qui a le seul programme qui parle un minimum de nos quartiers, raconte-t-il. On a décidé collectivement de réagir, d’agir malgré nos différences. Il fallait qu’on lance quelque chose collectivement plutôt que de rester les bras croisés. On a décidé de soutenir Mélenchon même si la majorité d’entre nous n’a jamais voté. Moi, je n’ai même pas le droit de vote. Mais il faut s’organiser pour que la question des quartiers soit véritablement prise en compte. Avec Mélenchon, on a une chance d’être écoutés. »
Pourtant, les militants sont très critiques. Abdelaziz accuse : « On paie le silence de la gauche. Le PS nous a fait disparaître du débat, on a toujours été exclus. » Une critique partagée par tous les participants à cette table ronde. « On s’est rendu compte que le premier adversaire, c’est la gauche. Ils ont fait passer nos luttes sur un plan secondaire et on a dû être en conflit pour avoir notre place dans les mouvements sociaux. La gauche a été lâche, elle n’a rien proposé », dénonce Taha Bouhafs. « Aujourd’hui, avec Macron, on nous parle d’“islamogauchisme” et de “woke”. Le climat actuel est extrêmement violent. Ça va de soi de voter Jean-Luc Mélenchon si on veut que ça prenne fin. C’est le seul qui est venu à la marche contre l’islamophobie. Il faut qu’on aille dire aux autres que nous ne sommes pas des serpillières, qu’on compte aussi. » Mais le candidat de LFI n’est pas perçu comme un sauveur pour autant. « Il monte dans les sondages et c’est le seul qui se positionne pour nous. Mais ça ne suffit pas ! On ne peut pas continuer cette exploitation politique. S’ils veulent faire pour nous, ça sera avec nous ! », lance une des participantes, membre du parlement de l’Union populaire, « peut-être plus pour longtemps ». « Il faut qu’il nous donne des garanties. On veut participer, travailler, ne pas être là juste pour la photo », renchérit-elle.
« On veut participer, travailler, pas être là juste pour la photo. »
Les participants ne veulent surtout pas servir de caution à un parti et tiennent à rester indépendants. La question de soutenir publiquement le candidat soulève des interrogations et des craintes. Même si le programme social de l’Union populaire séduit, notamment l’augmentation du Smic ou le blocage des prix de produits essentiels, certains ne voient pas la nécessité de le soutenir, comme Abdel. « On n’a pas besoin d’eux. On doit se bouger nous-mêmes, affirme-t-il. Mélenchon, sur la question des banlieues, il est à côté de la plaque comme tous les autres. La France insoumise parle de mettre en place une assemblée constituante, mais nous, c’est ce qu’on essaie de faire depuis plus de vingt ans. On attend de lui qu’il aille plus loin, qu’il propose plus. C’est là ou le collectif est une force, notre force. »
Mais l’assemblée se veut rassurante dans cette décision de soutien malgré les quelques hésitations. « Il va falloir négocier, il va falloir se battre. On ne peut pas discuter si on n’est pas debout. Sans les quartiers populaires, il n’y a pas de gauche, pas d’Union populaire, répond Tarek Kawtari. On doit être entendus. On est chez nous comme n’importe quel citoyen, et Mélenchon est le seul qui veut nous écouter. La porte est ouverte avec LFI. »
La campagne présidentielle n’est que le début de l’aventure de ce jeune collectif. Même si la feuille de route pour le futur n’est pas établie, la volonté d’avancer sur le long terme est commune. « On doit construire la suite au-delà des élections. On doit redonner du souffle et du dynamisme pour donner aux jeunes l’envie d’y croire », lance Abdel.
Sonia, elle, ne pensait pas signer un tel appel à voter, mais ne le regrette pas. Elle est venue pour aller plus loin : « Dire qu’on ne s’intéresse pas à la politique dans les quartiers populaires, c’est un mensonge. Ça fait plus de trente ans qu’on fait de la politique avec des associations, etc. Maintenant, la question, c’est comment on va faire les choses. » Personne n’a encore la réponse, mais la volonté d’y parvenir est tangible. « On ne sait pas si on va y arriver, mais on va ouvrir un chemin pour les générations futures. Nous ne sommes pas naïfs, mais on s’engage pour offrir un horizon meilleur aux jeunes. » Encore à ses prémices, ce collectif multigénérationnel compte bien faire entendre la voix des quartiers populaires et être acteur à part entière de la politique nationale pour en terminer avec les préjugés, la stigmatisation et la violence sociale. « Avant de tourner la page, il faut écrire l’histoire. La suite, on ne la connaît pas mais on va la construire. Ensemble. »