Jim Jarmusch : Ode aux temps morts
Quand Jim Jarmusch rend hommage à Touchez pas au grisbi.
dans l’hebdo N° 1697 Acheter ce numéro
C’est une tradition depuis plus de vingt ans. À New York, au mois de mars, le Lincoln Center accueille le festival Rendez-Vous With French Cinema. Au programme, les sorties de l’année passée et, parfois, quelques curiosités.
Cette année, la projection de Touchez pas au grisbi (1954), de Jacques Becker, introduit par le réalisateur américain Jim -Jarmusch, compte parmi ces séances inattendues. Invité d’honneur du festival, Jarmusch s’est vu proposer une liste de films pour une séance spéciale. Le choix de Touchez pas au grisbi peut au premier abord étonner, mais revoir ce film avec en tête la carrière du réalisateur permet de dresser des filiations intéressantes.
« Je suis un grand fan des films de crime, a expliqué -Jarmusch lors de son introduction, et j’aime l’approche française de ce genre. Touchez pas au grisbi est centré sur ses personnages. Ce qui est important n’est pas la mécanique du casse. Il y est question d’atmosphère, d’amitié, du code qui lie les protagonistes et de petites choses qui peuvent se transformer en événements plus importants. » Jarmusch évoque la scène bien connue où Jean Gabin et René Dary se brossent les dents. « A priori, celle-ci est tout à fait inutile mais elle est pleine de détails. »
Difficile de ne pas penser à Down by Law, son hommage personnel au film noir, réalisé en 1986. Comme celle de Touchez pas au grisbi, la narration n’y était constituée que de temps morts. En cavale, les trois personnages apprenaient à se connaître en cuisinant un lapin dans un marais, en récitant des poèmes de Walt Whitman et en jouant aux cartes dans une cellule de prison. « Un ensemble de petites choses », une ode aux trous dans le récit et à l’ambiguïté comique des relations humaines, soutenue par des dialogues inventifs et, pour certains, inoubliables.