1er Mai : vers le 3e tour social
Au lendemain du second tour de la présidentielle, les syndicats espèrent assister à la naissance d’une forte mobilisation contre le vainqueur à l’occasion de la fête des Travailleurs. Un mouvement pourtant difficile à construire.
dans l’hebdo N° 1703 Acheter ce numéro
N ous n’attendrons pas les législatives », assure Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT. Pour les syndicats, la journée du 1er Mai devrait constituer le point de départ d’une forte mobilisation contre le candidat élu au second tour de la présidentielle. La réforme des retraites proposée par Emmanuel Macron cristallise particulièrement leurs craintes et leur colère. Romain Altmann, secrétaire général de la fédération CGT Info’com, promet de « ne pas attendre les 100 premiers jours de clémence » après l’élection pour fédérer les salariés et lutter contre ce projet de loi. « Mélenchon parle d’un troisième tour institutionnel, nous voulons un troisième tour social, dès le 1er mai », assène-t-il.
Le syndicaliste ne cache pas pour autant son pessimisme et peine à imaginer un rassemblement massif. Pour lui, « les mobilisations ont simplement le mérite d’exister ». Et celles-ci sont de nature multiple. Difficile pour les syndicats de trouver une place face à l’essor des mouvements spontanés, apartisans, à l’image des gilets jaunes ou des récents blocages d’universités et de lycées. Pour ce syndiqué, « nous sommes dans un entre-deux et il est très compliqué de savoir qui prendra la tête de la contestation à venir ». Il espère simplement que les syndicats en seront, pour répondre à leur mission et « canaliser la colère sociale pour mieux la concrétiser ».
Malgré cette colère exprimée, ces différents syndicats rencontrent des difficultés à se projeter après le 1er mai. Du côté de Solidaires, « on réfléchit à l’agenda, on tient des réunions, on prépare des tracts pour casser un discours mensonger sur nos retraites », raconte Simon Duteil, codélégué général. On n’attend pas pour informer ; par contre, « les grèves sont plus compliquées à planifier, ça dépendra des secteurs », justifie-t-il. Avant de préciser que des discussions sont déjà en cours à ce sujet à SUD-Rail.
La réforme des retraites cristallise particulièrement les craintes et la colère.
Plus difficile d’obtenir les mêmes précisions chez Force ouvrière. Son secrétaire général, Yves Veyrier, refuse de se prononcer sur les actions à attendre après la fête des Travailleurs. « À chaque jour suffit sa peine, glisse-t-il pour éluder la question. On ne va pas commencer à dire aux salariés de se préparer à manifester tel jour et tel jour. »
Pour Romain Altmann, la planification, c’est justement la stratégie à adopter. Il regrette que le bureau confédéral de la CGT ne soit « pas en mesure de fournir un vrai plan de bataille, ou de débattre d’une stratégie à long terme ». Pour autant, la feuille de route tant attendue ne doit pas se limiter à « des journées d’action sans lendemain ou à des grèves saute-mouton ». Le secrétaire général d’Info’com va plus loin et souhaite « tourner la “page Martinez” » pour se rénover et remobiliser les salariés. « Les manifestations saucisses merguez deviennent dépassées », ironise-t-il.Et parmi les remises en question nécessaires figure celle, épineuse, de l’unité syndicale.
À Force ouvrière, l’idée d’une intersyndicale au niveau national génère surtout de la frilosité. Yves Veyrier considère que « cette unité est réservée aux moments où il y a une vraie nécessité, comme en 2003 avec les retraites ou en 2016 avec la loi travail ». Philippe Martinez demeure lui aussi prudent sur l’après-1er mai et reste flou sur la possibilité d’organiser des réunions intersyndicales. Un « pourquoi pas, cela a été évoqué » est la seule réponse accordée.
Une possibilité confirmée par Simon Duteil : « Aucune invitation n’a été lancée pour l’instant, mais il y aura sûrement une rencontre d’ici à l’été. En tout cas, nous le proposerons. » Il se montre même optimiste en évoquant « l’unité que l’on a vue à l’œuvre lors du précédent conflit sur les retraites, en 2019 et en 2020 ». Ses craintes reposent essentiellement sur le « sectarisme et le repli » de « certains » syndicats. Il juge par exemple regrettable que ni la CFDT ni la CFTC n’aient répondu à l’invitation lancée par la CGT pour préparer la journée du 1er Mai.
Bien sûr, des divergences peuvent perdurer « mais, face à des enjeux aussi importants que la montée des idées d’extrême droite ou la mise en péril de nos retraites, nous devons nous retrouver. Que ce soit autour d’une table ou dans la rue ». Romain Altmann reconnaît lui aussi que la question ne peut être exclue. Il n’hésite d’ailleurs pas à s’inquiéter d’une nouvelle désaffection à venir, en comparant le « morcellement syndicaliste » à celui de la gauche lors de la campagne présidentielle.