Avant le second tour, l’extrême droite se lâche
Agression de femmes voilées, attaques de facultés et d’un local associatif, chasse aux antifascistes… En quelques jours, les actions violentes de groupes identitaires se sont multipliées.
dans l’hebdo N° 1702 Acheter ce numéro
En seulement trois jours, du jeudi 14 au samedi 16 avril, des groupes identitaires violents et organisés ont commis au moins cinq attaques à Amiens, Montpellier, Lyon et Paris. Jeudi, Sciences Po-Paris était bloqué par des étudiants qui manifestaient à la suite de la qualification de l’extrême droite pour le second tour du scrutin présidentiel. En début d’après-midi, une trentaine de nervis interviennent violemment. L’attaque, filmée, est revendiquée par le groupe Cocarde étudiante. « Le blocus de Sciences Po vient d’être évacué par nos soins », se vante-t-il, en précisant que l’action a été réalisée conjointement avec le syndicat étudiant nationaliste UNI et Génération Z, affilié à Éric Zemmour. Aucun blessé n’est à déplorer à la suite des actions de ces trois groupes appelant à voter pour Marine Le Pen.
Le soir même, à Montpellier, l’attaque est encore plus violente. Armés de pierres, de bouteilles en verre et de mortiers d’artifice, une quinzaine de militants cagoulés vandalisent le bar associatif Le Barricade, fréquenté par les mouvements de gauche. Depuis son ouverture en décembre 2021, c’est la deuxième fois que ce local est victime de l’extrême droite. L’action a ensuite été revendiquée par la South Face via Ouest Casual, un canal Telegram néonazi et suprémaciste fréquemment utilisé pour signer ce genre d’attaques. Ce groupe, de plus en plus actif à Montpellier, s’était déjà illustré en décembre 2019 en frappant à coups de matraques télescopiques des étudiants bloquant l’université Paul-Valéry.
Sur une photo de militants fascistes prenant la pose, le slogan « Waffen Assas ».
Le lendemain, vendredi 15 avril, la Cocarde étudiante repasse à l’offensive. Mais à Lyon cette fois-ci. Dans une vidéo, une dizaine de militants identitaires cagoulés arrivent devant l’université de Sciences Po-Lyon pour en découdre alors que personne ne garde la porte d’entrée barricadée. Aux cris d’« Avant, avant, Lion le Melhor » (slogan de l’extrême droite lyonnaise), sur une musique guerrière, ils dégagent deux barrières et une trottinette avant d’aller invectiver les forces de l’ordre présentes en marge du blocage.
Au même moment à Paris, dans le Quartier latin, des militants identitaires rôdent. Ils sont là pour « chasser » les possibles bloqueurs de la Sorbonne. Une photo, postée de nouveau sur Ouest Casual, montre une dizaine de militants fascistes cagoulés prenant la pose avec casques de moto et barres en bois. Au-delà d’une volonté évidente de se livrer à des actes violents, l’image est accompagnée du texte « Waffen Assas », mélange entre une référence nazie et le nom de l’université Paris-II Panthéon-Assas.
Ouvertement néonazi, ce slogan était déjà utilisé dans les années 1990 par les membres du Groupe union défense (GUD), groupe nationaliste violent autodissous en 2017. À l’époque, le président du GUD à Assas n’était autre que Frédéric Chatillon, aujourd’hui proche collaborateur de Marine Le Pen.
Samedi 16, des dizaines de cortèges contre l’extrême droite ont défilé dans toute la France. À Amiens, en fin de manifestation, trois agressions ont été recensées par le syndicat Solidaires étudiant·es dans un communiqué publié lundi 18 avril. D’après plusieurs témoignages, une personne LGBT et un groupe proche de La France insoumise ont subi menaces et provocations, deux personnes ont été agressées en raison de leur couleur de peau et un groupe de syndiqués a reçu des coups de la part d’une quinzaine de militants d’extrême droite.
Dans ce climat délétère, des individus éloignés des mouvances militantes identitaires n’hésitent pas non plus à passer à l’acte. À Montpellier, le 12 avril, une vidéo crée le buzz : on y voit un individu âgé d’une soixantaine d’années s’en prendre violemment à deux jeunes femmes musulmanes. Après avoir qualifié l’islam de « religion la plus bête du monde », il a arraché le voile de l’une, puis tenté d’étrangler l’autre.
Des violences qui surgissent alors que le meurtre par balles du rugbyman Federico Martin Aramburu, le 19 mars en plein cœur de Paris, est encore dans toutes les mémoires. Loïk Le Priol, principal suspect dans cette affaire, est un néofasciste revendiqué.
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