Entre EELV et LFI, le juste prix d’un accord
Un accord à gauche permettrait aux écologistes de retrouver un groupe à l’Assemblée. Mais pas au prix d’une dilution dans LFI.
dans l’hebdo N° 1703 Acheter ce numéro
Élisez-moi Premier ministre ! » Si l’appel de Jean-Luc Mélenchon a frappé les esprits, au sein du Pôle écologiste, ce n’est pas par tentation de s’en remettre à un homme providentiel mais pour le potentiel politique du nouveau mécano à construire. Et si les cadres écologistes ont immédiatement saisi la perche tendue, c’est que l’arithmétique du projet esquisse un véritable débouché gagnant-gagnant. « Pour l’Union populaire, c’est la constitution d’une majorité relative, pour le Pôle écologiste, la perspective d’obtenir un groupe parlementaire (1) », souligne un cadre d’Europe écologie-Les Verts (EELV), principale force du Pôle écologiste et absente de l’Hémicycle dans la mandature précédente.
Les discussions ont commencé dès le lendemain du second tour de la présidentielle. Il faut dire que les préalables exigés par La France insoumise (LFI), colonne vertébrale de l’Union populaire, se sont assouplis. Il n’est plus question de contrition pour les attaques portées lors de la campagne présidentielle par le candidat écologiste Yannick Jadot contre Jean-Luc Mélenchon en raison de ses positions sur la guerre en Ukraine.
Cependant, rien n’était encore joué mardi 26 mai, au moment où nous bouclons ce journal, sur les trois grands chantiers proposés à la négociation par l’Union populaire : l’adhésion à son programme, l’intégration des partis au sein de son pôle, et les candidatures législatives communes, que l’Union populaire veut répartir dans les circonscriptions au prorata des voix recueillies par les écuries en lice à la présidentielle.
« Certain·es commencent à se rendre compte que nous avons beaucoup de points communs. »
Une demande d’allégeance pure et simple, redoutent des cadres écologistes. Cependant, poursuit l’un d’eux, « l’ambiance des échanges est très cordiale, avec une vraie volonté de déboucher : LFI est dans l’obligation de négocier de bonne foi avec les partis. Et à ce stade, personne n’a intérêt à rompre les négociations ». Car le projet impose de rassembler au moins 11 millions de voix sur le label collectif qui serait adopté pour les législatives, soit 3,3 millions de plus que les 7,7 millions de votes qui se sont portés sur le nom de Jean-Luc Mélenchon le 10 avril. « Et quoi qu’il arrive, on ne va pas vendre notre boutique à LFI, il n’est pas question de faire une croix sur notre identité », affirme Alain Coulombel, membre du bureau exécutif d’EELV, dont il représente l’aile gauche, et tout favorable qu’il soit à un rapprochement.« Si Mélenchon est sincère dans son ambition d’une vraie alternative politique, il ne l’obtiendra pas seul. Il lui incombe que les conditions posées soient acceptables par EELV et les autres partenaires pressentis. »
La revendication des écologistes de décrocher un groupe parlementaire semble actée par le mouvement de Jean-Luc Mélenchon. Sur le programme, un accord paraît accessible. LFI impose quatre points d’adhésion a priori non négociables : la retraite à 60 ans, le blocage des prix de produits de première nécessité, la marche vers une 6e République et la planification écologique. Les deux premiers points n’étaient pas au programme de Jadot, mais ne constituent pas un motif de rupture. « Certain·es, chez nous, commencent à se rendre compte que nous avons beaucoup de points communs », souligne Alain Coulombel.
Cependant, quel contour prendrait le projet d’une sortie du nucléaire, partagé par LFI et le Pôle écologiste mais qui braque le PCF ? Côté EELV, on achoppe sur la question des dépenses militaires. Et plus encore sur la politique internationale, particulièrement sur le sujet du devenir de l’Union européenne. « On devrait pouvoir trouver une formule minimale », veut rassurer Alain Coulombel. Et si LFI impose sa volonté de « désobéir » à certains traités communautaires ? « Ça serait sans moi ! », s’élève Yannick Jadot (2), fervent défendeur de l’UE. Une position majoritaire au sein du Pôle écologiste, même si le score décevant du candidat, au premier tour de la présidentielle (4,6 %), ne le place pas en position de force alors que sa campagne est visée en interne par des critiques. Celles de Julien Bayou, secrétaire national du parti écologiste, sont particulièrement acerbes.
« Certes, les négociations progressent, mais le plus important, pour les appareils, ce sont in fine les places de député·es, avertit le même cadre d’EELV. Ainsi, il est tout à fait possible que nous atterrissions sur un bon texte politique, mais que l’accord final coince en raison d’un nombre insuffisant de places laissées aux partenaires de La France insoumise. » Mardi 26, la clé de répartition au prorata des scores à la présidentielle ne passait toujours pas chez EELV, qui souhaite une modulation avec le résultat des dernières élections intermédiaires (municipales, régionales, européennes), qui lui ont été bien plus favorables. Pas sûr que le parti écologiste obtienne gain de cause. « Notre destin est entre leurs mains », constate sans illusions Marine Tondelier (3), ancienne porte-parole EELV du candidat Yannick Jadot.