Entre le PCF et LFI, une idylle sous conditions

À ce stade des négociations, les rapports de force au sein d’une future alliance ne satisfont pas le PCF.

Lucas Sarafian  • 25 avril 2022 abonnés
Entre le PCF et LFI, une idylle sous conditions
© Polyvios Anemoyannis / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

T out, il faudrait tout oublier. » Les paroles de la chanteuse Angèle semblent aujourd’hui s’adresser aux principaux acteurs des négociations en cours à gauche. Après les rapports glaciaux de ces dernières semaines, tout le monde semble être passé à autre chose. Un SMS envoyé par Fabien Roussel pour féliciter Jean-Luc Mélenchon, des prises de position publiques en faveur d’un rassemblement de toute la gauche et un échange épistolaire capital : le Parti communiste français (PCF) a rapidement dégainé papier et stylo pour répondre à la lettre de La France insoumise (LFI) du 15 avril.

Le PCF se dit prêt à discuter pour « ouvrir un espoir nouveau pour la gauche ». Un discours empli de bons sentiments. Les insultes de la campagne présidentielle semblent oubliées. Au lendemain du premier tour, les coups de téléphone se multiplient et on se rencontre à nouveau. Les deux partis se souviennent soudain de l’expérience du « programme commun ». « Les discussions sont en cours même s’il n’y a pas d’accord pour le moment. Il y a eu des propositions et nous en faisons aussi. Mais ce n’est pas terminé, nous allons nous revoir et, peut-être, avec les autres formations de gauche », confie Pierre Lacaze, responsable des élections au PCF et allié de Carole Delga au conseil régional d’Occitanie.

Des désaccords de fond ? Les communistes l’assurent : tout est surmontable. « Il faut une base de propositions communes entre tous les partis. Mais elle existe déjà d’une certaine façon : les retraites, l’augmentation des salaires ou la réforme de la Ve République », liste Léon Deffontaines, porte-parole de Fabien Roussel, qui rappelle que le PCF avait appelé il y a un an à discuter d’un accord majoritaire aux législatives. Sans succès à l’époque.

« Il ne faudrait pas que Jean-Luc Mélenchon se sente propriétaire des 22 % d’électeurs qui ont voté pour lui. »

En apparence, rien ne pourrait rompre l’idylle à la gauche de la gauche. Mais, dans les coulisses, on grince des dents. En ligne de mire : la répartition des circonscriptions. Dans son courrier, LFI suggère qu’elle s’appuie sur la base des résultats du premier tour « dans l’application du principe proportionnel ». « On est conscients du poids non négligeable de La France insoumise. Mais il ne faudrait pas non plus que Jean-Luc Mélenchon se sente propriétaire des 22 % d’électeurs qui ont voté pour lui », tempère Léon Deffontaines, qui essaie de rappeler qu’il était un « vote utile » pour certains électeurs de gauche. La répartition des circonscriptions s’annonce difficile alors que le PCF a déjà réservé 28 circonscriptions à une Fédération de la gauche républicaine constituée des mouvements ayant soutenu Fabien Roussel : la Gauche républicaine et socialiste (GRS) de Marie-Noëlle Lienemann et Emmanuel Maurel, le Mouvement républicain et citoyen (MRC) et les Radicaux de gauche (LRDG). Autre condition de l’alliance : « sanctuariser les sortants ». Manière d’augmenter les chances de conserver son groupe à l’Assemblée et de peser dans cette hypothétique majorité.

« On finit donc par considérer que le juge de paix, ce sont les sondages. Où est le travail programmatique ? » se demande Pierre Ouzoulias. Tout en applaudissant la campagne de Jean-Luc Mélenchon, qui a réussi « à remobiliser les quartiers populaires », ce sénateur des Hauts-de-Seine se méfie de la tentation hégémonique de LFI. « Si l’objectif est d’obtenir une majorité à l’Assemblée, il faut composer avec l’état des forces tel qu’il est sur le terrain. S’entendre dire que, parce que nous avons obtenu 2,3 % à la présidentielle, nous n’aurions droit qu’à 50 circonscriptions, c’est arbitraire et violent. »

Signer un accord national ? La question divise au sein du conseil national. Aurélien Lecacheur, de la fédération de la Seine-Maritime, souhaite une entente « sur toute la France pour créer une dynamique politique et envoyer un signal à tous les électeurs de gauche », à condition que « le parti soit aussi représenté dans toute la France ». Jacques Maréchal, de la fédération de la Moselle, est prudent : « Nous devons considérer les réalités locales, regarder les départements et ne pas surreprésenter les résultats du premier tour de la présidentielle. » Pas question non plus de se fondre sous la même bannière. « Se rassembler, oui. Entrer dans un moule où l’on nierait la diversité de la gauche, je suis contre, avance-t-il. Il y a une différence entre un rassemblement et un ralliement. » Si les négociations sont avancées, ce mariage de raison, s’il a bien lieu, n’aura rien d’une histoire d’amour.

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Le moment de la gauche
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