Lycées bloqués à Paris : « Écoutez-nous ! »

Dans plusieurs établissements parisiens, la jeunesse veut rester maîtresse de son avenir. Comme au lycée Voltaire, où des blocus pour protester contre les résultats du premier tour sont constatés. Mais aussi pour replacer l’écologie et la justice sociale dans le débat public.

Louis Heinrich  • 22 avril 2022
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Lycées bloqués à Paris : « Écoutez-nous ! »
Des lycéens manifestent contre l'extrême-droite devant le lycée Voltaire à Paris le 21 avril 2022.
© Louis Heinrich

O n a quinze, seize ans. On essaye, on fait ce que l’on peut ! », lance un garçon depuis le monticule qui obstrue l’entrée du lycée Voltaire, dans le 11e arrondissement de Paris. Bennes, plots de chantier, barrières de ville : tout ce qu’ils ont trouvé, ils l’ont entassé là. Et tant pis pour cette trottinette électrique qui ne roulera plus jamais. Il y a même un panneau d’affichage électoral, piétiné sans ménagement par la quinzaine de lycéens qui se relaient pour hurler leur colère du haut de cette tribune de fortune. Parce que depuis ce jeudi, 8 heures, les élèves du lycée Voltaire bloquent l’entrée de leur établissement. « On n’est pas contents de l’élection. On ne parle pas de ce qui nous concerne. On veut du changement ! », tempête Paloma, seize ans, contre l’affiche du second tour. Elle aurait rêvé de voter.

L’objectif de ce blocus, organisé à l’initiative d’une trentaine d’élèves de seconde : se donner de la visibilité et faire un maximum de boucan. « On veut marquer le coup. On a beau de ne pas être électeurs, ne pas être écoutés, on est l’avenir de ce pays. Ce blocus, c’est notre seul moyen de nous exprimer », estime Paloma. Et d’ajouter qu’« il faut lancer un mouvement où les jeunes se révoltent comme en 1963. Euh… ». « 68 ! », s’empresse de la corriger sa camarade Lilas, sur place depuis 7 heures et demie. Cette jeunesse tâtonne et affiche sans doute des lacunes historiques et politiques. Mais elle dispose de modèles, d’idéaux. Et d’envies. « Pour une fois, écoutez-nous ! », martèle Paloma. Graine de militante, déjà responsable, la jeune fille veut éviter tout malentendu et prend bien soin de préciser que les bloqueurs « n’ont rien contre le lycée », que la manifestation est pacifique.

« Le Pen, c’est mort ! »

Une action coordonnée puisque, au même moment, d’autres lycées parisiens ont repris l’« appel de la Sorbonne » pour bloquer leur établissement. Dans la matinée, « la rue était noire de monde », devant Voltaire : « Au moins 500 personnes ! », se félicite Lilas. Et il a fallu expliquer l’idée du blocus à certains, convaincre et discuter. Et, surtout, alerter sur l’imminence du danger : « On n’aime pas Macron, vraiment pas. Mais il faut voter pour lui parce que les électeurs d’extrême droite vont être à fond. Nous, on ne veut pas Marine Le Pen, c’est mort ! C’est notre avenir qui est en jeu. » Et ce vendredi, d’autres manifestations sont prévues pour ne pas cesser d’alarmer : « Le lycée Rodin, qui n’a pas bloqué depuis six ans. Ceux qui bloquent ont lancé un appel à venir les soutenir dans leur démarche. Il ne faut pas que ça s’arrête ici. On va donner tout ce qu’on a », assure Paloma. Avant d’ajouter : « Si Le Pen est élue ? On continue le blocus jusqu’à ce qu’elle se barre. »

Soutien scolaire

Sur le trottoir de l’avenue de la République, devant le lycée, certains professeurs observent la scène à distance. D’autres sont là, dans la foule. Avec leurs élèves. « Voir des jeunes qui n’ont pas encore le droit de vote se mobiliser comme ça, c’est super. On se dit qu’ils ont compris quelque chose à ce qui se passe dans le monde. Ils sont moins égocentriques et individualistes que l’on peut l’imaginer parfois », se réjouit cette professeure d’histoire-géo au regard bienveillant. « Bien sûr que ça nous touche », lâche-t-elle dans un souffle. Et les enseignants témoignent même officiellement leur solidarité : une motion de soutien a été votée à l’unanimité des professeurs qui étaient présents ce jeudi matin. « Parce qu’on sait très bien que l’école finira dans le collimateur quel que soit le vainqueur », regrette un collègue.

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