Macron réélu : un soulagement très temporaire
Marine Le Pen est écartée du pouvoir mais avec un score qui constitue une performance historique pour l’extrême droite, dont le président réélu est le premier responsable.
La réélection d’Emmanuel Macron avec 58,55% des suffrages exprimés est certes un soulagement. Marine Le Pen, que plusieurs instituts de sondages au soir du premier tour donnaient autour de 48% et donc en position de l’emporter, échoue sèchement en obtenant 41,45% des suffrages exprimés.
Mais ce résultat ne saurait masquer qu’il s’agit là d’un résultat aussi historique qu’inquiétant. Jamais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale l’extrême droite n’avait obtenu un score aussi important lors d’une élection nationale : 13.297.728 voix.
En 2017, Emmanuel Macron s’était engagé à faire reculer le score de l’extrême droite. Tactiquement, il a tout fait pour la maintenir au premier plan et la désigner comme son adversaire unique, jusqu’à ces dernières semaines, où il n’est véritablement entré en campagne qu’à l’issue du premier tour. Face à ce record absolu de voix pour la candidate du clan Le Pen, la fête de la macronie au Champ-de-Mars, où s’affichaient dimanche soir bon nombre d’anciens membres des gouvernements de François Hollande, avait quelque chose d’indécent.
Discours creux
Elle était aussi abjecte pour tous les électeurs – près de la moitié des 58,55% – qui n’ont voté pour Emmanuel Macron ce 24 avril que pour faire barrage à Marine Le Pen, plusieurs membres du gouvernement interprétant déjà ce vote comme un vote d’adhésion. Ce qu’a mollement démenti le président réélu. Dans un discours aussi court que vide, celui-ci a d’abord remercié les Français qui « au premier, puis au deuxième tour [lui] ont accordé leur confiance afin de faire advenir [son] projet ». Avant de se dire « dépositaire » du « sens du devoir » de ceux qui ont voté pour lui « pour faire barrage » aux idées de l’extrême droite mais en même temps affirmer sa volonté de « répondre » à ceux « qui se sont abstenus » et plus encore à tous ceux « qui ont choisi aujourd’hui l’extrême droite », dont « la colère et les désaccords […] doivent aussi trouver une réponse ».
Un propos inquiétant si l’on se souvient qu’en prétendant répondre aux inquiétudes et causes du vote des électeurs du Front national, Emmanuel Macron et ses prédécesseurs n’ont cessé de faire la courte échelle à la PME des Le Pen.
Un président mal réélu
Si Emmanuel Macron est le seul président depuis De Gaulle à pouvoir être réélu sans sortir d’une cohabitation avec une majorité parlementaire opposée, comme l’ont souligné ses soutiens pour s’en féliciter, il rassemble à peine… 38 % des électeurs inscrits. Ce qui ne s’était pas vu depuis l’élection de Georges Pompidou, vainqueur en 1969 d’un scrutin atypique qui opposait au second tour deux candidats de droite. 31,15% des électeurs s’étaient alors abstenus ; dimanche, avec une abstention d’environ 28,01%, ce record a été approché. Ce résultat, auquel il faut ajouter 3.019.003 bulletins blancs et nuls (8,6% des votants), traduit autant la force du sentiment anti-Macron que le refus du duel annoncé entre lui et Marine Le Pen.
Ce rejet n’a pas dit son dernier mot avec la présidentielle. Entre 56% et 63% des personnes interrogées dans deux enquêtes d’opinion, l’une pour Ipsos Sopra-Steria, l’autre pour Opinionway, souhaitent qu’Emmanuel Macron ne dispose pas d’une majorité aux élections législatives des 12 et 19 juin prochain. Et donc qu’il soit contraint à une cohabitation.
Une perspective tracée dès le 19 avril par Jean-Luc Mélenchon, qui a proposé aux Français de l’« élire Premier ministre ». Les résultats obtenus au premier tour de la présidentielle par le candidat de l’Union populaire et les discussions en cours depuis entre la France insoumise, EELV et le PCF rendent cet objectif plausible. À condition que l’électorat de gauche et écologiste ne se démobilise pas. C’est tout l’enjeu des sept semaines à venir.
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