Sirom : Voyage intérieur

Le quatrième album du trio slovène Sirom tisse un univers singulier, onirique et hors du temps.

Jacques Vincent  • 20 avril 2022 abonnés
Sirom : Voyage intérieur
© Urou0161 Abram

Entrer pour la première fois dans le monde de Sirom n’a rien d’une aventure banale. D’autant que rien n’y prépare si on n’a pas pris soin de chercher au préalable quelques informations sur le groupe, informations par ailleurs assez rares. Pas plus la pochette de ce nouvel album, tout juste inquiétante, que son titre, Le Trône liquéfié de la simplicité, ou celui du morceau d’ouverture, « Une superstition flétrie engagée en copulation », qui confirment seulement une persistante singularité dans l’inspiration surréaliste de Sirom.

Ce qui suit va vite nous éclairer et nous enchanter si on se laisse prendre dans la toile d’araignée tissée petit à petit au gré des séquences répétitives et du mélange de sonorités engendré par la multitude d’instruments utilisés par le groupe. Instruments traditionnels des Balkans ou du Moyen-Orient, certains même créés de toutes pièces. Vielle à roue, balafon, lyre, luth, banjo, daf (tambour persan), rebab (sorte de vielle d’origine afghane), ocarina et toutes sortes de percussions. Une vingtaine sans compter les « objets variés », mentionnés sans plus de précision, qui s’y rajoutent.

Accepter de se laisser prendre, envahir, voire de se perdre est une condition indispensable pour apprécier cette musique qui, finalement, n’est pas plus impénétrable que, disons, celles de Terry Riley ou de Popol Vuh, qu’elle peut rappeler, plus d’ailleurs par son mode narratif que par la matière sonore qui la constitue.

Dans ces compositions qui, à l’exception du final, « J’ai dévoilé un grain de poivre pour le voir disparaître », frôlent les vingt minutes, les repères sont vite perdus. L’esprit ne sait plus quel chemin prendre. Suivre, comme il semble y être invité, le rythme circulaire et le son mat et lancinant des tambours ? Ou plutôt le sentier des cordes, cette stridence acide ? Ou encore les arabesques des percussions cristallines qui viennent de surgir ? Trop d’invitations sonores s’offrent au regard aveugle.

Impossible en tout cas d’échapper à cet enchevêtrement, cette trame minutieusement élaborée au fil des minutes qui paraissent s’écouler dans un autre temps.

Une voix s’invite dans certaines compositions, celle d’Ana Kravanja, qui joue aussi de la viole, du balafon et de bien d’autres choses et est également peintre. Une voix flottante, sans mots, mais avec beaucoup de mystère et de magie. Elle enfante de ces créatures fabuleuses qui peuplent les rêves et les contes et que seules les imaginations fertiles savent deviner. Ainsi les morceaux sont-ils comme des récits muets dont la dramaturgie repose sur les rythmes et les différentes couleurs et tonalités des instruments, les notes égrenées, grattées, frappées, frottées…

Quel drame se joue là, dans l’accélération du rythme et l’insistance de la vielle à roue ? Ou ailleurs, dans le surgissement des carillons ou l’âpreté des notes égrenées du banjo ? Chacun est invité à donner une interprétation au gré de son propre monde intérieur. Invité aussi à se laisser aller au rêve et à la médiation.

The Liquified Throne Of Simplicity, Sirom, tak:Til/I See Colors.

Musique
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