Un seul vote : Macron, hélas !
Il faut renvoyer Le Pen dans les ténèbres de notre histoire, d’où elle vient. Tout ce que peut dire Macron ces jours-ci n’a guère d’importance. Le bulletin qui portera son nom ne sera qu’un instrument technique pour nous éviter le pire.
dans l’hebdo N° 1702 Acheter ce numéro
L’heure n’est surtout pas aux anathèmes. Il faut juste convaincre. On pense évidemment à des femmes et des hommes de gauche encore dans l’hésitation. Nous sommes à l’un de ces moments de l’histoire où le choix ridiculement binaire qui nous est imposé peut séparer des consciences que rien n’oppose dans la vraie vie, ni les engagements écologiques et sociaux, ni la vision du monde. Il nous faut donc imputer nos querelles non à des trahisons ou à on ne sait quelles lâchetés, mais à un système qui ne peut plus durer. Un système qui avilit la politique, tourne au Grand Guignol et fait basculer notre société dans une folie collective, ou dans une sorte de redoutable lassitude démocratique. Cette guerre des ego, de plus en plus insupportable au sommet, convoque partout les affects plus que la raison. Elle produit incrédulité et abstention, frustrations et dépit. Cette présidentielle est devenue une horreur ! On le voit avec les deux derniers protagonistes de cette interminable séquence électorale qui rivalisent de démagogie. On se contredit de jour en jour sur l’âge de la retraite, sur le voile. C’est mensonge contre mensonge. Voilà notre Président devenu écolo, empruntant sans vergogne la planification écologique aux Insoumis, et nous promettant un « avenir en commun » radieux. On est gêné devant tant de culot. Du côté de Marine Le Pen, la vérité, longtemps cachée sous l’épais rideau de fumée du « pouvoir d’achat », commence à affleurer. Après s’être complaisamment laissée abuser, la presse s’occupe enfin du cas Le Pen.
On feint de redécouvrir la véritable nature de son mouvement : la « priorité nationale », des référendums dévoyés pour abolir nos libertés fondamentales, une redéfinition de l’identité qui renie les acquis philosophiques des Lumières, une islamophobie convulsive et un imaginaire géopolitique qui placerait la France hors de l’Europe, dans l’orbite de la Russie de Poutine. Ami ami avec Orban et avec Bachar Al-Assad. En cet instant où Poutine lance son assaut peut-être le plus barbare contre le Donbass ukrainien, cette proximité idéologique, que les condamnations tardives ne peuvent faire oublier, devrait balayer toute autre considération. Il a fallu attendre le premier tour de notre présidentielle pour que ces évidences, sur lesquelles Politis n’a jamais cessé d’alerter, sortent enfin. Voilà où nous en sommes. Pour nous, aucun doute : entre l’opportuniste libéral et l’illibérale dans l’antichambre du fascisme, l’hésitation n’est pas possible. La hiérarchie des périls saute aux yeux. Contre Macron, il nous faudra continuer un combat connu. Avec Le Pen, ce sont les moyens mêmes du combat qui seraient entravés. Rien ne serait épargné, ni les libertés démocratiques ni celles des mœurs. Nous nous rapprocherions de ces régimes où l’on interdit les oppositions, où règne l’arbitraire, où l’on ferme des journaux, où les droits des femmes sont remis en cause.
Il faut donc d’abord renvoyer Le Pen dans les ténèbres de notre histoire, d’où elle vient. Au fond, tout ce que peut dire Macron ces jours-ci n’a guère d’importance. Le bulletin qui portera son nom ne sera qu’un instrument technique pour nous éviter le pire. Le pire, ce serait, plus encore qu’un programme politique inquiétant, les forces violentes que l’élection de la candidate du Rassemblement national libérerait. Les nazillons qui se sentiraient soudain autorisés à toutes les ratonnades, à toutes les agressions contre des femmes voilées, et des militants de gauche. Face à cette menace, la détestation de Macron ne vaut pas argument. Quand on voue toute son énergie à l’antiracisme, on ne peut pas voter pour un régime qui va instituer le racisme.
C’est une responsabilité collective à l’endroit de ceux que nous défendons chaque jour de l’année, immigrés, étrangers, réfugiés à la peau sombre, qui seraient les premiers à la merci de la vindicte fascisante. On entend les arguments contraires : elle ne pourrait pas faire ce qu’elle voudrait, il y a des lois… Mais, précisément, les lois protectrices de nos libertés, le programme de Le Pen nous promet de leur faire un sort. On entend aussi que le chaos réveillerait les consciences. C’est la politique du pire. Un vote pseudo-révolutionnaire qui sous-estime gravement les moyens répressifs dont dispose un État policier hostile. C’est jouer avec le feu. D’autres arguments encore : on va essayer Le Pen parce qu’on a déjà tout essayé. Mais la politique n’est pas un marché. Il y a des poisons qu’il vaut mieux ne jamais essayer. Enfin, il y a l’abstention : « Pas une voix pour Le Pen ! » Le mot d’ordre de Mélenchon était clair, mais peut-être insuffisant. La consultation des sympathisants de LFI a donné une majorité d’abstentions et de bulletins blancs. Mais elle avait un inconvénient : en interdisant le vote Le Pen, elle cassait le thermomètre sans faire disparaître la réalité. Quant à l’abstention, elle comporte un risque. Si tout le monde s’abstient, que se passe-t-il ? C’est compter sur les autres pour faire le boulot. Franchissons donc ce cap sans déchirement afin que le 25 au matin, la lutte reprenne face à un président de toute façon affaibli. Il reviendra alors à la gauche de mener les combats que Macron a déjà « programmés ». C’est ce rendez-vous que nous ne devons pas manquer. Nous reprendrons le fil de l’histoire en meilleure position. Et puis, les législatives, c’est demain. Et c’est un exercice démocratique plus favorable à l’union des gauches. Alors, vivement lundi !
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