Astéréotypie : Le beau chaotique
Groupe composé en partie de personnes atteintes d’autisme, Astéréotypie publie son troisième album, prototype de poésie sonique distordue.
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Oui, on peut encore être à la fois (très) surpris et (bien) secoué par un groupe de rock en 2022, en l’occurrence Astéréotypie – dont le nom laisse joliment filtrer l’étrangeté de ce qui s’y joue. Ce projet hors normes a été initié en 2010 par Christophe L’Huillier, alors éducateur spécialisé, dans le cadre d’ateliers d’écriture qu’il animait au sein de l’institut médico-éducatif l’Alternance, à Bourg-la-Reine, avec des adolescents et des jeunes adultes atteints d’autisme.
Frappé par certains des textes produits, Christophe L’Huillier – par ailleurs musicien – a eu envie de les accompagner en musique. « Au début, la musique était acoustique, car nous voulions avant tout que les textes soient compréhensibles. Assez vite, nous avons voulu nous adapter à l’énergie des auteurs-interprètes, qui était vraiment intense. Avec une musique électrique, plus bruyante, les textes peuvent s’estomper un peu pendant les concerts, mais ce n’est pas grave dans la mesure où la présence scénique exprime beaucoup en elle-même. »
À la suite de l’arrivée d’autres musiciens, notamment Arthur B. Gillette et Éric Dubessay (tous deux membres du groupe Moriarty), le projet a changé de dimension et, sortant du cadre médico-éducatif, s’est transformé en authentique groupe de rock.
Après un premier album autoproduit sorti en 2012 et resté très confidentiel, Astéréotypie a fortement attiré l’attention trois ans plus tard lors du festival Sonic Protest. Il franchit un nouveau cap en 2018 avec son épatant deuxième album, L’Énergie positive des dieux.
Le groupe devrait toucher un public encore plus large grâce à son nouvel album jubilatoire, Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme – titre d’ores et déjà anthologique ! À l’avenant, le contenu doit sa haute singularité avant tout aux paroles, dont l’inventivité débridée, suscitant d’étincelantes collisions de mots (ou de chiffres) et d’images, flirte souvent avec une forme de poésie dadaïste. Elles sont signées ici par cinq personnes : Stanislas Carmont, Yohann Goetzmann, Felix Giubergia, Aurélien Lobjoit et Claire Ottaway. Nouvelle recrue et seule présence féminine – plus que bienvenue – dans le groupe, cette dernière a rejoint l’aventure en 2020.
Anguleuses et nerveuses, dans la veine d’un post-punk erratique, les parties musicales, loin d’être reléguées à l’arrière-plan, font corps avec les paroles et contribuent pleinement à l’exaltante bizarrerie chaotique de l’ensemble. Elles sont composées et interprétées par Christophe L’Huillier (guitare), Benoît Guivarch (synthétiseurs), Arthur B. Gillette (basse) et Éric Dubessay (batterie).
L’inénarrable chanson-titre, « Mon chat a 44 ans », « Du vélo à Saint-Malo, du kayak à Saint-Briac », « Joseph Da-xrus » et « 20 euros » suscitent la plus intense délectation parmi ces douze nouvelles chansons.
Astéréotypie a récemment fait l’objet d’un documentaire, L’Énergie positive des dieux, réalisé par Laetitia Møller. Tournant avec succès dans le circuit des festivals, il doit sortir en salle en septembre.
Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme, Astéréotypie (Air Rytmo/La Belle Brute), astereotypie.bandcamp.com.
En concert le 5 mai au FGO-Barbara (Paris XVIIIe) et le 20 mai à la Gaîté lyrique (Paris IIIe), pour les dix ans du lieu.