Climat : à l’assemblée générale de TotalEnergies, l’espoir d’une « petite révolution »
Sur 556 candidat·es investi·es par le parti d’Emmanuel Macron, une centaine trainent des affaires ou prises de position gênantes.
Lors de l’Assemblée générale de TotalEnergies, qui se tient ce mercredi 25 mai, la major pétrolière fait voter son « plan climat », qui fixe les objectifs à atteindre dans les années à venir. Une initiative teintée de greenwashing pour Guillaume Pottier, chargé de campagne sur l’engagement des acteurs financiers auprès de Reclaim Finance, qui demande aux actionnaires de voter contre ce plan et de refuser le renouvellement du mandat de trois administrateurs responsables de l’expansion du géant français dans les hydrocarbures.
Pourquoi qualifiez vous la résolution de Total de « faux plan climat » ?
Guillaume Pottier : En premier lieu, parce qu’il est incomplet. Il ne donne par exemple aucune cible de décarbonation à court terme, dès 2025. Quant à ses objectifs à l’horizon 2030, ils ne sont pas quantifiés : Total se contente d’établir un plafond d’émissions, fixé à 400 millions de tonnes de CO2, sans véritable exactitude. De plus, les ambitions de ce plan sont loin d’être à la hauteur de l’urgence climatique. Total prévoit de baisser de 7 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, alors qu’il lui faudrait les diminuer de 7 % chaque année, entre aujourd’hui et 2030, pour rester aligné sur une trajectoire 1,5°C. Surtout, l’entreprise prétend avoir amorcé une transition alors qu’elle continue de creuser sa dette climatique : 70 % de ses dépenses d’investissements concernent les énergies fossiles, le pétrole et le gaz. Et, plus problématique encore, 20 % de ses dépenses d’investissement sont consacrés au développement de nouveaux projets fossiles ou à l’exploration en vue de découvrir de nouvelles réserves d’hydrocarbures. Ce qui est fondamentalement incompatible avec l’objectif de 1,5°C comme le rappelle l’Agence internationale de l’énergie.
Reclaim Finance demande aux actionnaires de voter contre ce plan climat et contre le renouvellement des mandats de trois administrateurs. Quel est l’intérêt pour les actionnaires de s’opposer à Total de manière aussi frontale ?
Si ces acteurs sont actionnaires de Total, ils sont aussi investisseurs dans de nombreuses autres entreprises qui vont être impactées de plein fouet par la crise climatique et dont les valeurs vont s’effondrer du fait des changements à venir. D’un point de vue cynique, financier, ils ont fondamentalement intérêt à ce que ces entreprises ne participent pas à nous précipiter vers la catastrophe. Les actionnaires sont également soumis à la régulation en vigueur, qui leur demande de prendre des engagements climatiques, ce que bon nombre d’entre eux ont fait de manière spontanée. La plupart de ces investisseurs ont prévu de diviser par deux les émissions de leurs portefeuilles d’investissement d’ici à 2030. Or, si les sociétés qui constituent ces portefeuilles baissent leurs émissions de seulement 7 %, ils risquent d’être mis en faute. Enfin, troisième point qui commence à émerger et peut faire pencher la balance pour les investisseurs : la responsabilité juridique et légale. La jurisprudence pourrait évoluer assez rapidement et rendre les actionnaires co-responsables des stratégies climaticides des acteurs dans lesquels ils investissent. C’est ce que l’on voit poindre du côté de Shell, qui a été condamné aux Pays Bas : des avocats commencent à soutenir l’idée que les investisseurs sont co-responsables juridiquement et pourraient être poursuivis à ce titre.
Le vote des actionnaires étant seulement consultatif, quelle est sa véritable portée ?
Un fort taux d’opposition constituerait une petite révolution dans ce monde feutré des investisseurs et des émetteurs. Et symboliquement, Total ne pourrait pas ne pas y répondre, au moins sur la forme. Bien sûr, la portée de ce vote est limitée. C’est pourquoi nous avons émis d’autres recommandations, notamment concernant trois administrateurs, responsables de la stratégie de Total qui continue de développer de nouveaux projets fossiles. Car les votes sur la réélection des administrateurs sont véritablement contraignants et constituent donc un levier d’action plus direct. L’année dernière, chez Exxon Mobile, un ancien activiste avait réussi à déloger trois administrateurs pour les remplacer par des personnes plus sensibles aux enjeux climatiques. C’est clairement une arme qui va être de plus en plus utilisée, et que les conseils d’administration regardent avec beaucoup d’attention et, parfois, d’inquiétude.
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