La génération climat pousse à l’union
L’accord entre LFI et EELV doit beaucoup à la montée de jeunes militants pour qui l’écologie est le centre de gravité à gauche.
dans l’hebdo N° 1704 Acheter ce numéro
La présidentielle fut un double calvaire pour Jules Coutureau, jeune militant EELV lillois. Non seulement son candidat s’est effondré, mais, en prime, il a dû essuyer une pluie de messages de ses proches lui disant que « c’était de [sa] faute si la gauche n’était pas au second tour ». Alors, même si l’accord EELV-LFI coûte cher à la formation écologiste dans sa région du Nord, en l’obligeant à renoncer à se présenter dans des circonscriptions imperdables pour la gauche, il ira « avec plaisir » tracter pour Adrien Quatennens, député sortant La France insoumise.
Le même soulagement s’entend du côté de LFI, chez l’éphémère candidat aux législatives dans le XIIIe arrondissement de Paris. Julien Landureau, 28 ans, avait été désigné « chef de file » par une assemblée générale locale de l’Union populaire, mais il se retire au profit de Sandrine Rousseau (EELV). « C’est le sens de l’histoire, glisse le militant, et je suis presque surpris de l’absence de frictions, chez les militants LFI, face à cet accord. »
Cet unanimisme est confirmé par les sondages d’opinion : 95 % des sympathisants LFI sont favorables à une alliance, selon un sondage Sopra Steria publié le 2 mai. Ils sont 94 % du côté des communistes et 91 % chez les sympathisants d’EELV et du PS.
Au sein des partis a éclos ces dernières années une génération arrivée à la politique par le mouvement climat, animée d’un sentiment d’urgence absolu. « Nous n’avons plus le temps », insiste Jules Coutureau, qui a des amis dans à peu près toutes les formations de gauche. « Ce qu’ils veulent tous avant tout, c’est qu’on se rassemble pour gagner. »
La question sous-jacente est celle d’une potentielle victoire électorale.
La France insoumise est parvenue à s’appuyer sur la vitalité de cette nouvelle génération, en débauchant par exemple Manon Aubry chez Oxfam pour conduire sa liste aux européennes, ou en confiant la coordination du programme de l’Union populaire à Clémence Guetté, tout juste 31 ans et secrétaire générale du groupe parlementaire à l’Assemblée. Le mouvement a également fait grimper à la coprésidence de son Parlement de l’Union populaire l’ancienne porte-parole d’Attac, Aurélie Trouvé, par ailleurs militante inconditionnelle de l’union de la gauche et autrice, l’été dernier, d’un essai en faveur d’un « bloc arc-en-ciel ». « Cette nouvelle génération veut penser au-delà des étiquettes. Elle a aussi donné à la gauche une matrice plus claire d’un point de vue idéologique », estime Claire Lejeune, ancienne cosecrétaire fédérale des Jeunes Écologistes, passée à l’Union populaire après la défaite de Sandrine Rousseau à la primaire EELV.
Tout ceci a accéléré l’enracinement de l’écologie comme nouveau centre de gravité de la gauche. « Les programmes se sont étoffés et ont été irrigués par le travail des ONG et des scientifiques », applaudit Clément Sénéchal, porte-parole de Greenpeace et ancien conseiller com de Jean-Luc Mélenchon.
Au PS, la désertion des marcheurs et la mise à la retraite des éléphants sociaux-libéraux ont contribué à éclaircir la ligne. Une fracture générationnelle se fait sentir, avec l’émergence de militants qui n’ont pas connu les années fastes de la Rue de Solférino. « Des nouveaux secrétaires fédéraux, aux prises localement avec une réalité électorale dure et l’émergence de l’extrême droite, sont plus favorables à l’union que certains anciens, qui ont connu la période où le PS était hégémonique et n’avait pas besoin de dialoguer avec les autres partis de la gauche », rapporte Stéphane Troussel, président PS du département de la Seine-Saint-Denis. Cette nouvelle stratégie, entérinée en congrès dès 2018, a donné lieu à plusieurs accords d’union des gauches lors des derniers scrutins locaux, parfois couronnés de succès.
Mais ce changement de génération n’explique pas seul le virage stratégique des différents partis quant à l’union des gauches. À la différence de 2017, la question sous-jacente aujourd’hui aux négociations est celle, enfin crédible, d’une potentielle victoire électorale. Discuter de l’hypothèse de gouverner, « c’est très différent que de sauver un groupe à l’Assemblée ou un poste de député », insiste Julien Landureau.
Et si l’idée de l’union de la gauche a fait beaucoup de chemin en cinq ans, la débâcle électorale subie par EELV, le PCF et le PS, qui n’ont pas obtenu un score suffisant à la présidentielle pour se voir rembourser leurs frais de campagne, a achevé le travail. S’unir, pour ces formations, est une nécessité presque vitale.