Législatives : Une campagne fuyante
En restant très vagues sur leurs intentions, Emmanuel Macron et son gouvernement bloquent la possibilité d’un débat démocratique.
dans l’hebdo N° 1708 Acheter ce numéro
Avec l’ouverture de la campagne officielle lundi 30 mai, nous sommes entrés dans la dernière ligne droite des élections législatives.
Les professions de foi des 6 293 candidats enregistrés – ils étaient 7 882 en 2017 – ont été validées avant envoi aux électeurs. Leurs affiches officielles également, qui commencent à recouvrir les panneaux électoraux. L’audiovisuel public a lancé la diffusion des clips de campagne de leurs partis. Mais la campagne électorale aura-t-elle lieu ?
Depuis sa réélection, il y a plus d’un mois, Emmanuel Macron n’a donné à voir ni le « renouvellement complet » ni la « méthode nouvelle » qu’il annonçait. La nomination tardive bien que prévisible d’Élisabeth Borne à Matignon, puis celle de son gouvernement, composé pour moitié de figures connues qui se sont contentées d’échanger leurs ministères comme on échange des cartes Pokémon, traduit davantage une continuité qu’un nouveau départ.
Alors qu’en 2017 Emmanuel Macron avait immédiatement mis en œuvre sa politique, en présentant notamment sa réforme du code du travail par ordonnances, il n’a rien présenté d’autre qu’un casting. Quelle politique va-t-il mener ? En quoi sera-t-elle vraiment différente avec un gouvernement si semblable au précédent ? Ces questions n’ont pour l’heure pas trouvé de véritables réponses. Hormis de vagues déclarations d’intention. Signe que l’exécutif préfère se faire discret sur ses projets.
La légère avance de la Nupes dans les sondages inquiète la Macronie.
Le 27 mai, Élisabeth Borne a ainsi fixé trois mots d’ordre à ses ministres réunis à Matignon : « Rapidité, efficacité et résultats. » Mais la rapidité attendra encore un peu… Car si « les premières semaines de l’action [du gouvernement] doivent être consacrées à répondre aux urgences des Français », qui sont, selon elle, le pouvoir d’achat, la santé et le climat, le projet de loi contre la vie chère ne sera pas présenté avant les législatives, contrairement à ce qu’Olivia Grégoire, porte-parole du gouvernement, avait annoncé à l’issue du premier conseil des ministres, le 23 mai. Seule précision sur ce texte, la Première ministre promet qu’il n’y aura « ni oubliés ni angles morts ». Les électeurs sont invités à y croire.
En reprenant cette promesse, le clip de la majorité présidentielle diffusé lundi 30 mai cite « la poursuite du bouclier qui limite factures de gaz et d’électricité » quand Le Parisien révélait le même jour que le manque à gagner pour les fournisseurs d’énergie devra être rattrapé en 2023, soit par une hausse sur les factures soit par l’État. Via les impôts, donc.
Le clip mentionne aussi « l’indexation des retraites sur l’inflation » et « le triplement de la prime de pouvoir d’achat jusqu’à 3 000 euros » alors que la profession de foi type des candidats macroniens l’annonce « jusqu’à 6 000 euros ». On a beau savoir que cette prime reste à la discrétion de l’employeur et n’a donc rien d’automatique, la différence entre les deux montants laisse pantois. Les autres promesses sont aussi ronflantes que floues puisqu’elles invitent, en votant pour « un candidat de la majorité présidentielle », à faire de la France « une des plus grandes nations écologiques », à mettre « le plein-emploi à portée de main », à faire de « la refondation de l’école une priorité », de « la santé un enjeu majeur » et de « la sécurité une préoccupation de chaque instant ».
Au terme de cette sirupeuse litanie, il est cocasse d’entendre le même clip inviter les électeurs à ne pas céder « aux fausses promesses et aux alliances de circonstance qui n’ont d’autre but que d’obtenir des postes ». Un avertissement qui vise spécifiquement la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), dont la légère avance dans les sondages inquiète la Macronie. Contrairement au Rassemblement national, qui part battu, estimant normal qu’à la suite de sa réélection Emmanuel Macron ait une majorité à l’Assemblée, et qui mène campagne a minima à l’instar de la droite canal historique (Les Républicains et l’UDI…), l’alliance de la France insoumise, du PCF, du PS, de Génération·s et des écologistes autour de Jean-Luc Mélenchon présente un programme complet de gouvernement. Elle a détaillé son plan d’urgence pour le pouvoir d’achat. Et mène une campagne dynamique.
Sur ce point, le contraste avec le gouvernement est saisissant. Si la « période de réserve » à laquelle ce dernier est astreint depuis le 23 mai limite les marges de communication des ministres, la responsabilité en incombe à Emmanuel Macron, qui a sciemment choisi de retarder au maximum la désignation de son nouvel exécutif. Par tactique. Afin d’éviter d’abattre son jeu et d’ouvrir un débat démocratique sur ses projets.