PMA : les couples lesbiens se heurtent au manque de formation des services d’état-civil
Après l’adoption de la loi bioéthique, les couples lesbiens commencent à accueillir des « bébés PMA » conçus en France. Mais au niveau de l’administration française, les directives ministérielles ne sont pas prises en compte.
Premières naissances, premiers dysfonctionnements : dès l’adoption de la loi bioéthique en août 2021, et l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes, elles ont été nombreuses à se lancer dans des parcours de PMA. Un an plus tard, les premiers bébés PMA commencent à naître. Et avec les naissances arrivent les complications administratives : les services d’état-civil des mairies ne savent pas comment déclarer ces nourrissons à double maternité, malgré des instructions claires de la part de l’État.
Dès le 21 septembre 2021, une circulaire _« à application immédiate » est envoyée par le ministère de la Justice aux magistrats pour informer au sujet des naissances à venir. Elle décline les cas de figure auxquels les officiers auront à faire face, et fournit même en annexe des exemples d’actes de naissances correctement remplis selon les circonstances.
L’un des points clés de ces déclarations, c’est la Reconnaissance Conjointe Anticipée (RCA), qui permet aux deux mères d’être immédiatement considérées comme maman de l’enfant, sans avoir besoin pour celle qui n’a pas accouché de passer par une procédure de reconnaissance a posteriori, longue et compliquée, avant d’avoir officiellement les mêmes droits de parenté que sa compagne. La RCA, pour être effective, doit être signée avant le début du processus de PMA, et fournie au moment de la déclaration de naissance. Les couples lesbiens qui se lancent dans une PMA font, pour la plupart, très attention à bien respecter toutes les étapes, y compris la RCA.
Pas de blocage homophobe
Mais au bout de ces parcours de PMA, une nouvelle difficulté se présente, qu’elles n’avaient pas anticipée : le manque de formation des employés de mairie. L’association Enfants Arc-En-Ciel, qui accompagne les couples homosexuels dans leurs parcours de parentalité, remonte plusieurs cas de blocage à l’édition des actes de naissance.
« En deux semaines, on a eu situations de ce type dans toute la France », rapporte Céline Cester, présidente de l’association. « C’est très inquiétant, parce que ce sont les premières naissances, mais qu’on va avoir une vague importante à l’été. » De septembre à décembre, son association a reçu 4.000 demandes d’accompagnement. Elle en reçoit actuellement une dizaine par jour. « Ce ne sont pas des blocages par homophobie, mais par manque de formation, ce qui est encore plus incompréhensible », s’énerve la militante. Elle raconte passer, sur son temps libre, de longues minutes au téléphone avec les services d’état-civil. Et pourtant, elle se retrouve toujours face à un mur.
« J’ai dû relire mot à mot la circulaire avec la greffière de la mairie d’Ermont, alors que le délai légal pour la déclaration de naissance [cinq jours ouvrés, NLDR] allait être dépassé », déplore-t-elle. « Et comme les mamans n’avaient pas d’acte de naissance, cela leur créait aussi des problèmes avec leurs employeurs, qui leur réclamaient des papiers officiels. » Interrogée au sujet de ce cas, la mairie d’Ermont indique « avoir appliqué la loi sous couvert du procureur de Pontoise ». Si la situation a fini par être réglée, Céline Cester pointe du doigt la méconnaissance de la loi par les services d’état-civil, « dont le suivi de la loi bioéthique est dysfonctionnel ».
À Béziers, l’état-civil « attend la validation du procureur », ce qui peut prendre « deux jours comme un mois » reconnaît l’attaché de presse de la mairie. Sauf que la RCA a justement pour but de ne pas avoir à obtenir une validation du procureur. À Montpellier, l’état-civil a demandé une preuve que la PMA avait bien été réalisée après la promulgation de la loi, soit le 3 août dernier. « Ça en devient absurde, comme si les grossesses pouvaient durer plus de 9 mois ! » tempête Céline Cester.
Son association réclame que le ministère de la Justice recommunique auprès des mairies avant que la majorité des bébés conçus de septembre à décembre ne naissent : « C’est une situation d’urgence, on ne peut pas laisser les femmes se heurter à des services qui n’ont pas pris le temps de faire leur travail. Elles sont désespérées, elles n’osent pas contredire les agents, et ce sont les premiers moments de leur vies de familles qui sont gâchés. »
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